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pourquoi la République, toute libre penseuse qu’elle est, s’y refuserait-elle, lorsque des gouvernemens protestans ou orthodoxes n’hésitent pas à le faire ? En quoi se compromettrait-elle ? En quoi abandonnerait-elle son principe, qui est celui de la séparation ? Être séparés ne veut pas dire qu’on ne se connaît pas, et encore moins qu’on est nécessairement ennemis. Il faudrait d’ailleurs ne rien connaître des intérêts qui s’agitent dans le monde et dont beaucoup se rattachent à Rome, pour croire que nous pouvons les abandonner impunément. Aussi ne les abandonnons-nous pas, et, hier encore, M. le président du Conseil, dans son discours devant la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Députés, les défendait comme un bien traditionnel. Qui sait même si, à un moment donné, cet instrument d’influence ne deviendra pas entre nos mains plus précieux encore qu’il ne l’a été jusqu’ici ? Mais nous serions bien étonné si M. Poincaré, ministre des Affaires étrangères, ne sentait pas tous les jours combien il lui est difficile de le protéger contre les compétitions qui l’assaillent, sans avoir des conversations avec le Vatican. M. Maurice Barrès a eu le grand mérite d’entretenir ou de réveiller dans l’esprit de la Chambre le sentiment de cette vérité. M. le ministre de l’Intérieur lui a répondu avec embarras, et cet embarras aussi est un progrès, car le gouvernement ne l’aurait pas éprouvé autrefois. On ne peut pas tout obtenir en même temps et du premier coup. L’évolution des esprits se fait lentement : il ne faut pas la brusquer, mais il faut y aider. Le discours de M. Barrès a opéré sur la Chambre comme un coup de sonde : ce qu’il a mis au jour n’est pas de nature à faire désespérer de la Chambre elle-même lorsque, comme l’a dit l’orateur, la poussière de la bataille aura fini de tomber.


Au moment où nous écrivons, les délégués des puissances balkaniques sont sur le chemin de Londres ; ils traversent Paris et s’y arrêtent un moment avant de poursuivre leur route ; ils portent avec eux le secret des négociations qui vont s’engager et d’où sortira, nous l’espérons bien, la paix définitive. À côté d’eux, il y aura non pas une conférence, mais une réunion des ambassadeurs. Le projet de cette réunion est venu de l’Angleterre ; il s’est recommandé à nous du nom de sir Edward Grey. Toutes les puissances y ont adhéré avant même de savoir quel en serait le programme ; on sait seulement que la réunion sera tout officieuse et que les travaux des ambassadeurs n’engageront pas leurs gouvernemens. L’Autriche, toutefois, a fait des réserves dont le caractère reste imprécis et dont le sens véritable échappe