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sollicité cette mesure, — ceux de la Seine-Inférieure notamment, — se plaignaient que les « espèces de figure, pour carrosse et pour selle, eussent dégénéré par la suppression des garde-étalons qui faisaient de grands sacrifices pour se procurer de beaux types. On n’y en voit plus que d’ordinaires. » Il était fait appel « à la sollicitude paternelle du gouvernement » pour veiller à la restauration de cette richesse nationale.


III

Si les anciens haras, de 1663 à 1789, sans mériter leur impopularité et les reproches dont ils étaient l’objet, n’avaient pas donné les résultats attendus des sacrifices pécuniaires faits en leur faveur, cela tenait sans doute à l’absence de méthode et de sélection. Garsault, pour ses débuts, avait été à Naples acheter quarante de ces cavales, renommées alors dans tous les manèges d’Europe pour leur galop relevé et leur piaffe presque naturelle ; il s’était ensuite rejeté sur de fortes races belges, puis sur des jumens de Barbarie, que l’on acclimatait par un séjour en Provence.

Il recruta de même ses étalons en tous pays et ses successeurs, sous Louis XV, l’imitèrent. Les haras particuliers, des Rohan à Guémené, des Matignon à Thorigny et de plusieurs riches amateurs, suivaient l’exemple des quinze haras officiels, et les autres pays sur tout le continent n’avaient pas plus de système que les Français dans leurs croisemens. La conformation était tout, il n’existait pas d’épreuves ni de race prédominante ; sauf que la France achetait un peu partout des chevaux de luxe, mais que personne n’en venait acheter de tels en France.

Colbert s’était un moment flatté que le développement des haras diminuerait l’importation, il n’en fut rien. Le royaume resta tributaire de l’étranger comme au moyen âge, lorsque les marchands outremontains, italiens ou allemands, amenaient leurs chevaux aux foires de Champagne, ou que Charles le Sage, en vue de la guerre qu’il préparait, faisait venir « de beaux destriers d’Allemagne et de la Pouille. » Faute de chevaux français, qui se trouveraient « plus exquis que tous les autres s’ils étaient de bonne force, » Saulx-Tavannes au XVIe siècle estime que « la vraie monture du soldat sont les chevaux d’Allemagne. Les Bourguignons, Picards, Champenois s’en procurent