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non sans raison, dans l’annexion aux Etats-Unis, le plus grave péril pour leur race. Mais à côté de l’argument national et se confondant presque avec lui, voici l’argument impérialiste :

Plus directement encore qu’il ne prépare l’annexion aux Etats-Unis, le traité de réciprocité, dit-on, brise le lien impérial. Avec de telles faveurs douanières faites aux produits américains, dont beaucoup vont entrer en franchise, comment parler encore de Preferential Trade avec la métropole, et s’il est impossible de lui accorder aucun privilège appréciable chez nous, comment pourrons-nous en attendre d’elle ? Adieu donc l’union commerciale, adieu la Tariff Reform anglaise. La métropole aurait tôt ou tard établi des droits sur les produits alimentaires étrangers, droits dont les articles coloniaux auraient été exempts. Nous la décourageons. Pour lutter sur des marchés incertains, nous abandonnons l’espoir d’acquérir sur le marché de l’Angleterre une place privilégiée. Nous lâchons la proie pour l’ombre.

Tel est le côté économique de la question impériale ; c’est lui qu’on met principalement en vedette dans la grande presse, dans les réunions importantes, où parlent les candidats, les chefs de partis surtout. M. Borden, le chef des conservateurs, aujourd’hui premier ministre, résume le double argument national et impérial, tel que son parti l’affirme officiellement quand, à la veille du scrutin, il déclare : « Je conjure les électeurs de ne pas s’écarter de la voie droite qui mène à faire une grande nation. Je les prie d’émettre un vote mûrement réfléchi en faveur de la conservation de notre héritage, de la sauvegarde de notre liberté commerciale et politique, du maintien du Canada comme nation autonome au sein de l’Empire britannique. » Mais il est encore d’autres raisons qu’on fait valoir plus bas, dans les parlotes de village ou de quartier, dans les petits journaux, dans la propagande personnelle et qu’on réserve aux provinces anglaises, surtout à l’Ontario.

C’est dans cette province que les libéraux ont perdu le plus de voix. Ils y occupaient 35 sièges contre 51 ; ils n’en ont plus que 15 contre 71. Les vieilles haines de race y sont encore vivaces. Peuplé surtout de descendans des loyalistes, qui ont quitté les États-Unis au lendemain de la proclamation de leur indépendance, Ontario est à la fois le centre de la prépondérance anglaise au Canada et le lieu où cette prépondérance est le plus