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anglais ou allemands qui peuvent être dans le portefeuille des capitalistes américains. Lorsque le calme fut rétabli de ce côté-ci de l’Océan, la reprise des marchés transatlantiques ne se fit pas attendre.

Mais, si la cote des valeurs mobilières était temporairement affectée en Amérique, il n’en était pas de même du marché monétaire. Là, il ne s’est rien produit qui rappelle, même de loin, la crise de 1907. Les capitaux n’ont pas cessé d’être abondans, les taux d’escompte et d’avances très modérés, à tel point qu’au plus fort de la tourmente européenne, en septembre 1911, quand le retrait des capitaux français causait un véritable malaise sur certaines places étrangères, notamment à Berlin, on assure que des sommes importantes ont été prêtées aux banquiers allemands par leurs confrères new-yorkais : c’est le phénomène inverse de celui qui s’était produit quatre ans auparavant ; il démontre bien la différence entre les deux époques. C’était alors une panique monétaire, une disette de numéraire et même de billets de banque, qui jetait le trouble dans la communauté américaine, paralysait les affaires, menaçait l’existence de banques et de sociétés importantes, supprimait tout escompte commercial, faisait monter à 125 pour 100 le taux des reports à la Bourse, et précipitait le cours des valeurs avec une rapidité déconcertante vers des niveaux qui, dans beaucoup de cas, n’étaient plus en rapport avec leur revenu. Il avait fallu les efforts énergiques des premiers financiers de New-York pour épargner à cette place des désastres encore beaucoup plus graves : des semaines, des mois s’écoulèrent avant que la confiance eût reparu. En 1911, il y a bien eu une baisse des cours qui, dans certains cas, a été profonde : mais elle n’était pas provoquée exclusivement par des ventes forcées de spéculateurs incapables de payer leurs différences, ou de détenteurs de titres qui cherchaient à se créer à tout prix des ressources. Si le contre-coup des événemens européens a, dans certains cas, amené des liquidations d’acheteurs, la majorité des offres provenait de capitalistes qu’effrayait la perspective des difficultés soulevées par l’attitude du gouvernement. Aussitôt qu’ils ont pu se rendre compte que le mal fait à l’industrie ne pouvait pas atteindre la proportion qu’ils avaient un moment redoutée, ils ont recouvré leur sang-froid, et le marché, au début de novembre, a pris une allure différente de celle des mois précédens.