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de munitions, d’armes, de chevaux ; elle démolit des travaux d’art, des maisons, des forteresses, des lignes de chemins de fer ; elle arrête la production dans une foule d’industries ; elle paralyse le travail agricole ; elle impose généralement au vaincu une contribution qui pèse lourdement sur ses finances et qui ajoute pour lui une destruction de capital à toutes celles que nous venons d’énumérer. Ces conséquences, bien que prévues dès que les hostilités éclatent, ne se l’ont sentir que successivement, au fur et à mesure que les événemens se déroulent. C’est ainsi que les fonds publics sont généralement au cours le plus bas, non pendant que la campagne se poursuit, mais après que la paix est conclue, parce que c’est alors que les vides creusés se font sentir dans toute leur étendue, et qu’il faut procéder au remplacement des capitaux disparus : c’est le moment des grands emprunts. Il suffit de se reporter aux mouvemens des fonds russes pendant et après la guerre contre le Japon pour vérifier l’exactitude de cette observation : le 4 pour 100, qui était au-dessus du pair au début des hostilités en février 1904, puis à 89 en septembre 1005, lors de la signature du traité de Portsmouth, est tombé à 69 en 1906.

En 1911, la baisse qui a sévi sur les marchés européens pendant les mois d’août et de septembre a été provoquée par les affaires marocaines ; mais elle aurait eu lieu, même en l’absence de complications politiques. Elle devait logiquement suivre deux années de production agricole insuffisante et une campagne d’affaires d’une activité exceptionnelle. Le pain et la viande sont presque aux prix les plus élevés du siècle, qui ne compte, il est vrai, encore que dix années d’existence ; le sucre a presque doublé depuis peu de temps. Aussi les plaintes sur la cherté de la vie sont-elles générales, et, comme malheureusement les remèdes législatifs, sauf les suppressions des barrières douanières, sont impuissans, il faut s’attendre à ce qu’elles persistent jusqu’au jour où la terre nous comblera de nouveau de ses bienfaits, sous forme de récoltes abondantes. Chacun étant obligé de consacrer une somme plus forte à sa nourriture et à celle des siens, a moins d’argent à mettre de côté ; ceux qui avaient pour habitude d’épargner et d’acheter à cet effet des valeurs mobilières, cessent de le faire, ou le font dans une proportion moindre. Les marchés financiers, privés d’une partie des capitaux qui les alimentent en temps normal, seront