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100, mais l’ensemble de la cote n’a pas subi d’effondrement, et les valeurs de placement ont relativement peu souffert. En Europe, le facteur dominant de la situation a été, en apparence, la politique : c’est elle qui a provoqué, à plusieurs reprises, le recul des fonds d’Etat et d’autres valeurs mobilières. Mais cette baisse se serait produite, même sans l’incident d’Agadir, pour les raisons que nous avons exposées et qui étaient d’ordre économique. Seulement, elle aurait sans doute affecté une allure différente, se serait déroulée progressivement et n’aurait pas amené le niveau très bas auquel, à de certains jours, les échanges se sont effectués.

Pour que les cours se relèvent d’une façon durable et surtout pour que, ce qui est beaucoup plus important, les affaires reprennent une allure régulière, pour que le crédit répande de nouveau ses bienfaits, il faut que les récoltes de 1912 ne donnent point de déceptions, et que par suite les prix des objets de première nécessité suivent une marche descendante. Malgré les prédictions de ceux qui annoncent qu’il n’y aura plus de mouvemens dans ce sens et que nous sommes condamnés à voir les prix toujours augmenter, nous sommes persuadé que l’avenir démontrera le contraire. Rappelons-nous le concert de plaintes qui s’élevait naguère des rangs des agriculteurs et des industriels : tous gémissaient de la soi-disant surproduction de toute chose et ne savaient comment sortir d’une situation qui les mettait en face de consommateurs impuissans à acheter ce qu’ils leur offraient. Le blé à 15 francs le quintal, le vin à 5 francs l’hectolitre, le café à 30 francs le sac, le sucre à 20 francs les 100 kilogrammes, et le reste à l’avenant, faisaient la joie des ménagères et le désespoir des fermiers, des planteurs et des manufacturiers. Aujourd’hui, ce sont les femmes qui, en présence de prix qui leur semblent monstrueux, provoquent des émeutes et déclarent qu’elles ne peuvent plus nourrir leur mari et leurs enfans. Ainsi va le monde. Mais la mémoire des hommes est courte, et l’expérience d’un passé, même récent, ne les aide pas à concevoir la possibilité ou plutôt la certitude d’un revirement analogue à ceux qui se sont déjà tant de fois produits dans l’histoire de l’humanité. Il est vrai que cette certitude n’adoucit pas les souffrances de l’heure présente : mais elle devrait servir à prévoir les alternances d’époques d’abondance et de disette, de prospérité et de crise qui se succèdent sur tous les