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et prétendirent enfin n’avoir affaire qu’à leur supérieur immédiat, le contrôleur général Taboureau. Las d’une lutte énervante, le directeur général du Trésor se décidait alors à provoquer la suppression d’un rouage plus encombrant qu’utile et arrachait au Roi cette mesure radicale. Sur quoi, fureur des intendans, réclamations auprès de Taboureau, protestations de ce dernier, débat ouvert entre les deux grands chefs de la finance publique, qui l’un et l’autre, au même moment, offrent leur démission au Roi.

« M. Taboureau, lit-on dans une lettre datée du 26 juin 1777, qui avait dimanche dernier renvoyé son portefeuille, a récidivé ce matin dimanche. Sa famille a exigé qu’il renonçât à jouer un rôle peu honorable et trop subordonné[1]. » Un gazetier écrit, le même jour, en style plus familier : « M. Taboureau, cul-de-jatte dans son ministère, ne pouvant remuer pied ni patte, puisqu’il n’avait point la destination de l’argent, s’est enfin lassé de son rôle absolument passif[2]. » Necker, de son côté, allait trouver Maurepas, lui dépeignait en paroles éloquentes la position périlleuse du Trésor, lui expliquait la nécessité impérieuse, pour celui qui serait chargé de remédier à tant de maux, d’être sûr de tous ceux qui le seconderaient dans sa tâche, affirmait qu’il se retirerait, si on ne le laissait « maître de sa partie[3]. »


Le choix du Roi était fait à l’avance. Taboureau, pris au mot, obtenait sur l’heure sa retraite, dont adoucissait l’amertume l’octroi d’une assez grosse pension sur la cassette royale ; Necker, par ce départ, devenait l’unique chef du département des finances, sans néanmoins, pour cause de religion, être admis au Conseil, ni porter le titre officiel de contrôleur général. Voici le texte du brevet qui fut signé par Louis XVI, à Versailles, le 29 juin 1777 : « Le Roi, ne jugeant pas convenable de nommer à la place de contrôleur général de ses finances, vacante par la démission du sieur Taboureau des Réaux, croyant cependant nécessaire de réunir entre les mains d’une seule personne les fonctions relatives à l’administration des Finances, et voulant donner au sieur Necker une preuve de la satisfaction

  1. Correspondance secrète, publiée par M. de Lescure.
  2. L’Espion anglais, t. IV.
  3. lbid.