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Cette méthode, appliquée à un immeuble isolé, à une localité distincte, à une époque précise, conduirait — pas n’est besoin de le dire — à des conséquences absurdes ; parce que les loyers urbains subissent diverses influences dans leurs fluctuations. Mais, sans se flatter d’une exactitude mathématique, à laquelle de pareilles recherches ne sauraient prétendre, il est clair qu’il existe un rapport nécessaire entre le coût des maisons et le prix des matériaux. S’il apparaît que ces matériaux ouvrés ont coûté depuis six siècles, dans leur ensemble, autant que de nos jours, nous serons fondés à conclure : que les maisons ne pouvaient coûter moins cher qu’à la condition d’être plus exiguës ; qu’à loyer égal leurs dimensions étaient sensiblement les mêmes et que les infimes loyers du temps passé procuraient des gîtes dont les pauvres aujourd’hui ne voudraient pas.

La hausse contemporaine est tout entière, — sauf à Paris, — la conséquence d’un progrès effectif : ce ne sont pas les prix qui ont monté, ce sont les habitations qui ont changé. Il faut d’ailleurs, dans cet examen, tenir grand compte du taux de l’intérêt, si différent au moyen âge et aux temps modernes : une maison qui se louait 270 à 300 francs représentait une valeur de 3 000 francs au XIVe siècle ; elle représentait au XVIIIe siècle un capital de 5 500 à 6 000 francs. Un loyer de 300 francs procurait donc un moins bon logement au XIVe siècle qu’au XVIIIe en supposant que le terrain n’ait pas enchéri ; puisqu’il correspondait à une maison moins chère et par conséquent plus petite.

Mais l’abondance croissante des capitaux, dont cette baisse du taux de l’intérêt fut un indice évident, eut pour conséquence de supprimer le « bail à cens » et par conséquent la petite propriété urbaine. Au moyen âge, en vertu du « bail à cens, » l’ouvrier devenait le plein et légitime propriétaire de la maisonnette qu’il occupait, à la condition de payer un loyer perpétuel, immuable jusqu’à la consommation des siècles. Si la maison prenait de la valeur, il profitait seul de cette plus-value ; si elle tombait en ruines, il pouvait toujours l’abandonner, en fait, sinon en droit.

Un marché si avantageux au preneur, si onéreux au bailleur, ne peut s’expliquer que par l’absence de capitaux. Il disparut au XVIe siècle avec l’accroissement de la richesse publique, pour les immeubles nouvellement construits et, pour les vieux logis,