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de partout, les ménages chargés d’enfans dissimulent leurs enfans comme une tare ; ils sont réduits à mentir, ils en cachent le nombre pour se faire accepter par les gérans d’immeubles et, quand leur mensonge est découvert, s’ils ne parviennent pas à attendrir les concierges, ils sont expulsés comme des malfaiteurs. Voilà ce que produit un décret maladroit : dans la capitale de ce pays démocratique, si réservé sur le chapitre de la reproduction, les citoyens trop prolifiques sont traqués et proscrits.

Paris manque donc cruellement de maisons ouvrières. Pourtant il a suffi que quelques richissimes, qui font charité de leur argent, aient mis à la disposition de ceux qui font charité de leur temps quelques millions de francs en vue de bâtir des maisons nouvelles, pour que l’expérience permît d’affirmer ceci : il est possible de construire aujourd’hui dans Paris, pour le peuple, des habitations hygiéniques, claires, aérées, propres et attrayantes par un minimum de confort, de les louer un tiers ou un quart moins cher que les sordides bâtimens d’alentour affectés aux mêmes catégories sociales et de tirer pourtant de son capital un intérêt net de 3 1/2 pour cent.

Un pareil résultat n’est certainement pas atteint sans un effort que tous les constructeurs n’ont pas su faire. Il en est qui ne se sont pas assez préoccupés d’obtenir des sommes mises à leur disposition un revenu normal. Ceux-là nuiraient grandement dans l’opinion publique à la cause des habitations à bon marché, qui ne doivent être à aucun degré une institution « charitable » où le pauvre se sent plus ou moins entretenu par l’argent du riche. Pour que l’idée soit féconde, il faut que l’argent ne s’aumône pas, mais qu’il rapporte ; pour que le bienfait soit effectif, il faut qu’il devienne un placement. Ce but a été atteint parle « Groupe des maisons ouvrières, » société anonyme où les bailleurs de fonds, quoique soupçonnés, prétendent demeurer inconnus. De grands immeubles bâtis dans les quartiers des Gobelins, de Grenelle, de Belleville et de Reuilly, où les millions absorbés produisent un intérêt de 3,76 à 3,47 pour 100, attestent la vitalité de cette conception d’une façon assez répétée pour qu’elle soit pleinement concluante et mérite d’être développée.

Que peuvent donc faire les pouvoirs publics ? Il existe une personne morale qui trouvera demain à emprunter un milliard