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lui, aimante et joyeuse, prête à caresser son grand enfant de génie, sans lui infliger l’humiliation d’être pardonné.

On peut maintenant se figurer Byron entre toutes ces influences féminines qui se le disputent : les mondaines, affolées ou éhontées, qui parlent d’aller vivre avec lui au bout du monde ; la recluse d’Annesley à qui l’attrait des vieux souvenirs, la solitude et le malheur font une auréole ; la jeune fille parfaite, impeccable qui s’est donné pour mission de ramener ce grand pécheur au bien et ce grand douleur à la foi ; enfin la sœur indulgente et dévouée qui tient surtout à protéger son honneur et à l’empêcher de vendre Newstead. Le poète étant replacé dans son cadre, suivons-le pendant les années critiques qui vont décider du reste de sa vie.

Au printemps de 1813, il semble résolu à partir pour l’Italie en compagnie de lord et de lady Oxford qui veulent le montrer partout comme un trophée. Tout à coup, il change d’idée, sans qu’aucun de ses familiers soit dans le secret de cette brusque évolution, et va s’enfermer tout seul à Newstead. Pourquoi ? Pour faire des économies ? L’explication est ridicule quand il s’agit de Byron ? Pour faire des vers ? Cette période de sa vie ne semble pas avoir été particulièrement féconde. Faut-il croire que le voisinage de Mary Chaworth, alors séparée de son mari, l’attirait à Newstead et l’y retint pendant tout cet été-là ? Ou fut-ce un amour plus mystérieux encore qu’il réussit à dissimuler à tous et dont aucune trace ne demeure ? Les lettres qu’il écrit pendant cette période sont plutôt faites pour nous dérouter que pour tous éclairer. Lorsqu’il écrit à ses amis, ses confidences ne sont jamais que des demi-confidences, ou des promesses de confidences, ou même de fausses confidences destinées à les égarer sur une piste trompeuse. Dans une lettre à Thomas Moore, datée du 22 août, il parle vaguement d’une dangereuse intrigue où il est engagé et, huit jours plus tard, il revient sur ce sujet. Parlant des difficultés de tout genre qui l’assiègent, il fait allusion à un mariage qui le tirerait d’affaire : « Je suis prêt à associer mon sort à celui de n’importe quelle femme, pourvu qu’elle soit convenable (to any decent woman). Du moins, j’étais prêt à le faire il y a un mois, mais aujourd’hui !… » Peut-être en dira-t-il davantage à sa sœur Augusta. En juin, en lui annonçant qu’il ne part plus pour le continent, il ajoute : « Si vous saviez à qui je renonce, sans parler du