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Venise : elles n’ont rien à voir avec le sujet qui nous intéresse. Je néglige, également, la liaison avec la Guiccioli, j’ai déjà dit pourquoi. Elle venait trop tard dans sa vie pour être aimée, Les dernières années de la vie de Byron n’appartiennent pas à l’amour. Ce qui en remplit à moitié le vide désespéré, c’est la tentative du poète pour se transformer en homme d’action. Carbonaro, puis phitellène, on parla un moment de le faire roi des Grecs et, tout en se défendant contre cette ambition qu’on lui soufflait, il en caressait peut-être une plus haute : le trône d’un empereur d’Orient. Chateaubriand l’avait hanté ; maintenant Napoléon l’obsédait. On sait à quoi aboutirent ces grands rêves. Il mourut de la fièvre à Missolonghi, sans avoir frappé un coup d’épée.

Dans tous ses actes, dans toutes ses paroles, on sent un regret nostalgique de la patrie et du home, uni à un besoin croissant de réhabilitation grandiose, comme s’il eut voulu fermer la bouche à ses détracteurs à force de gloire. Connut-il l’accusation portée contre lui par lady Byron, cette terrible chose écrite en toutes lettres dans le papier qui avait retourné les dispositions premières de Lushington ? Il a déclaré à des tiers n’en rien savoir. Sa conscience a dû, pourtant, le lui apprendre, s’il était coupable. Lorsqu’il était allé à Coppet en 1817, il avait laissé Mme de Staël faire une tentative pour opérer une réconciliation. À diverses reprises, il écrivit à sa femme des lettres polies, notamment lorsqu’elle perdit sa mère que, pourtant, il haïssait comme l’un des principaux auteurs de leur brouille. Peu de temps avant de mourir, il disait au capitaine Medwin : « J’ai le plus profond respect pour lady Byron. J’ai toujours été prêt, je suis encore prêt à me rapprocher d’elle si les circonstances rendent ce rapprochement possible. » Il avait tenu à peu près le même langage à lady Blessington. Sur son lit de mort, lorsqu’il sentait la fin toute proche, Trelawney l’entendit murmurer : « Ma fille ! Ma sœur !… » D’après le témoignage de son valet de chambre Fletcher, qui ne l’avait jamais quitté, le mourant ajouta à ces deux noms celui de sa femme. Il fit signe au valet de se tenir tout près de lui : « Vous étiez bien avec elle. Vous irez la trouver, vous lui direz… » il parla pendant quelques minutes, d’une façon inintelligible, puis il ajouta : « Vous lui répéterez tout cela. » — « Hélas ! mylord, dit Fletcher, je n’ai pas compris un seul mot. » Une expression