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eux-mêmes répéter à la Chambre, ce qui devrait être la règle absolue de toutes les communications parlementaires. Les Commissions ne sont pas une partie du pouvoir exécutif ; elles ne doivent pas accepter de solidarité avec lui ; elles sont une émanation du pouvoir parlementaire et n’ont pas d’autres droits que celui-ci. On dira que c’est là de la théorie et qu’il faut voir les choses du côté pratique : nous nous plaçons de ce côté et nous demandons ce que deviendra dans l’avenir la correspondance entre un ministre des Affaires étrangères et ses agens, si ces derniers, en prenant la plume, peuvent se dire que leurs dépêches seront communiquées un jour à une Commission parlementaire. Au lieu d’écrire pour le ministre, ils écriront pour la Commission : bientôt ils le feront pour les journaux, pour le public, car entre les Commissions et la presse, il n’y a pas de cloison étanche, et dans un temps où les secrets diplomatiques sont si mal gardés par le gouvernement lui-même, il n’est guère permis d’attendre une discrétion plus grande de la part du parlement. Cette fois l’inconvénient est double : d’abord les ministres seront mal ou insuffisamment renseignés, ensuite les gouvernemens étrangers avec lesquels ils sont en rapport d’affaires hésiteront à leur dire certaines choses, s’ils ne sont pas assurés qu’elles resteront confidentielles. On sait qu’il est d’usage de ne mettre dans un Livre Jaune que les communications ou les parties de communications d’un gouvernement étranger dont la publication a été consentie par lui : on les lui communique avant de les publier. Ceux qui ne le savaient pas l’ont appris par le grand et beau discours que sir Edward Grey a prononcé, il y a quelques semaines, à la Chambre des Communes. Sir Edward a relevé l’incorrection commise par M. de Kiderlen en communiquant à une Commission du Reichstag certains détails de la négociation qui avait eu lieu entre Berlin et Londres et cela sans avoir l’adhésion du gouvernement anglais. — Je ne suis nullement fâché, a-t-il dit, de la communication qui a été faite et j’y aurais donné mon consentement si on me l’avait demandé : je constate seulement qu’on ne l’a pas fait. — Nous ne savons pas si M. de Kiderlen a ressenti vivement le reproche qui lui était adressé, mais nous aimons mieux pour nos ministres qu’ils continuent de se conformer à toutes les traditions de la courtoisie internationale et ne s’exposent pas à recevoir des leçons de ce genre. Le moyen pour cela, la précaution à prendre est de faire des Livres Jaunes écrits et non pas des Livres Jaunes parlés. Il semble bien que M. Caillaux et M. de Selves en aient eu le sentiment tardif. M. le président du Conseil a demandé que les séances de la Commission fussent