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ce moment-ci. Mais ce qui n’en sera jamais un pour moi, c’est tous les bons conseils et avis qu’il m’a donnés et qui sont gravés à jamais dans mon cœur… » Elle parle encore, un peu plus loin, de son émotion violente et de son « désespoir » à l’heure de la séparation. Elle se loue fort aussi des « attentions et des recherches de tendresse du Roi, » pour atténuer sa peine, attentions et recherches, ajoute-t-elle d’un ton pénétré, « que je n’oublierai de ma vie et qui m’y attacheraient, si je ne l’étais déjà[1]. »


Il est juste de constater, dans les semaines qui suivent, comme un léger effort de Marie-Antoinette pour mettre un peu plus de sérieux dans sa vie. Les lettres de Mercy sont sur ce point formelles : « Elle m’a parlé[2]d’un ton fort recueilli sur ses projets de réforme de conduite. Depuis huit jours, elle n’a fait aucune promenade dans Paris, et elle n’a point joué aux jeux de hasard. Il est visible qu’elle réfléchit au point capital, d’être plus attentive avec le Roi et de se montrer plus fréquemment avec lui. » Deux mois après, assure l’ambassadeur, toute trace des leçons de Joseph n’a pas encore entièrement disparu. Il est vrai qu’il le dit à l’Empereur en personne, ce qui infirme un peu l’autorité du témoignage : « Cette auguste princesse[3]reste encore, dans plusieurs articles de sa conduite, dans les termes de réformes que Votre Majesté y a opérées. Les momens de retraite et de lecture subsistent, ainsi que le maintien plus attentif et plus amical avec le Roi. Il faut joindre à cela une diminution considérable dans les objets de dissipation bruyante. »

Mais, aussitôt après ces constatations consolantes, il se voit obligé d’avouer que, des torts de la jeune souveraine, le plus dangereux, « le plus fatal » reparaît de plus belle, à savoir la passion du jeu ; « La princesse perd maintenant assez pour se trouver très gênée dans toutes ses autres dépenses. Il n’y a plus de fonds pour les œuvres de bienfaisance, et le pire de tout, c’est le mauvais exemple, le regret qu’il cause au Roi, et l’effet fâcheux qu’il produit dans le public. »

Que l’on attende deux mois de plus, et tout reprendra

  1. Lettre du 14 juin 1777. — Correspondance publiée par d’Arneth.
  2. Lettre du 15 juin 1777. — Ibidem.
  3. Lettre du 15 août 1777. — Correspondance publiée par Flammermont.