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ton superbe. La terre est nue ; les arbres y poussent, on le sent, dans un sol ingrat ou négligé ; ce qu’il y a d’orge est trop maigre et trop pauvre pour s’appeler des moissons. La ville est belle et admirablement située. Elle s’enveloppe de l’Est à l’Ouest entre deux rochers qu’elle couronne à ses deux extrémités de tours et de remparts. Les fortifications du couchant, battues en brèche par notre artillerie, ont été depuis abattues et remplacées déjà par des travaux de défense française. La Casbah Dar Ofâh, maison du rocher, est bâtie sur un rocher blanc, blanche elle-même ; c’est le seul monument qui soit crépi et blanchi à la chaux. Le reste est en terre grise uniformément, rose le matin, dorée le soir, noirâtre à midi, suivant qu’elle est frappée par le soleil levant, par le soleil couchant, ou éclairée par-dessus par le soleil perpendiculaire.

À cette dernière heure, le terrain, gris, comme les murs, mais semé partout, à fleur de terre, de saillies blanches du rocher sur lequel est bâtie la ville, le terrain étincelle de soleil dans les étroits corridors des rues.

Du sommet de la ville, l’horizon du Sud est immense, sans ondulations, très distinct jusqu’à ses limites, et je l’ai toujours vu tranché crûment, comme une raie violette, sur le fond couleur d’argent du ciel. A l’Est, à l’Ouest et au Nord, la vue s’arrête à des montagnes rocheuses, tantôt roses, tantôt fauves, rayées dans leur hauteur de larges bandes de sable jaunâtre apporté sur les pentes par le vent du Sud. Tout cela est très grave, plein de grandeur, et d’une forme et d’un aspect qui ne permet pas d’oublier qu’on touche au pays de la soif et qu’on est sur la limite du grand désert. On parle ici des Chambas et des Touareg comme on parle à Alger des Sahariens, nos voisins. Nous avions avec nous dans notre suite le Chambi qui a fourni à M. Daumas les renseignemens pour son livre, celui-là même dans la bouche duquel il a mis le récit du voyage[1].

Il n’y a que très peu de haïks de couleur, encore sur le dos des petites juives et en loques. Les Ouled-Nayls elles-mêmes, qui forment en partie la population féminine de Laghouat, portent le haïk et le voile blancs, c’est-à-dire exactement couleur de boue, avec des parties graisseuses et couleur de suie qui les rendent à peine aussi clairs que les terrains. Il y a des

  1. Le général Daumas a publié le Sahara algérien et le Grand Désert.