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surtout, c’est que la religion ne soit pas perdue pour le peuple. Prévenir un tel mal, voilà la principale tâche. » Le chancelier comptait, pour vaincre, sur la brutalité d’une loi spéciale ; et l’Empereur comptait, lui, sur l’efficacité de la pensée religieuse : aux heures de trouble, où les consciences se livrent, les premiers mots qu’improvisaient leurs deux consciences révélaient la diversité de leurs natures. Ils allaient faire, l’un et l’autre, ce qu’ils avaient résolu ; leurs deux programmes, d’ailleurs, ne s’excluaient nullement. Et l’application de ces deux programmes allait avoir une répercussion, indirecte mais réelle, sur les rapports entre la Prusse et l’Eglise romaine.

Car sauvegarder la religion, comme dernièrement encore une lettre du maréchal Roon, toute tremblante d’émotion, en avait supplié Guillaume, cela voulait dire, tout à la fois, faire régner Dieu dans l’école, et l’orthodoxie dans l’Eglise évangélique. Or, au début de l’année, comme les protestans orthodoxes de Minden se plaignaient, après tant d’autres, que Falk inclinât à multiplier les écoles où les confessions étaient mêlées, Falk avait éconduit leurs doléances, et Guillaume pensait que pourtant ils avaient raison, et que le caractère exclusivement confessionnel de l’école primaire était une garantie du règne de Dieu. Il trouvait, de plus en plus, qu’avec Falk pour gérant, l’établissement évangélique fonctionnait mal. Guillaume allait faire tout seul, et par lui-même, sa besogne d’évêque souverain ; il affectait d’expédier au synode brandebourgeois des personnalités qui fussent d’une orthodoxie bien tranchante et presque agressive. Falk alors se sentait visé et malaisément supporté ; il se défendait dans un mémoire ; le bruit de sa retraite s’accréditait dans Berlin. Finalement, il restait, tolérait la nouvelle orientation de l’Eglise évangélique, griffonnait un rescrit où il recommandait aux instituteurs d’épargner aux bambins tout contact et toute lecture qui mettraient en péril leur vie religieuse. Mais on avait généralement l’impression que, par la volonté de Guillaume, la fortune politique de Falk approchait de son terme.

Guillaume était las, aussi, des nationaux-libéraux ; il les avait tolérés, mais il ne les avait jamais aimés ; et Bismarck, tout doucement, allait peut-être le débarrasser d’eux. Car, en déposant contre les socialistes un projet que les nationaux-libéraux ne pouvaient accepter, Bismarck acculait ses anciens alliés à un