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plus graves encore, en résulteraient ; il espérait arriver, par une action commune avec Bismarck, à conclure une paix réelle et durable. Pas de trêve, mais une paix vraie, solide et durable, redisait Léon XIII lui-même dans le bref que, le 27 août, il adressait à Nina ; et il ajoutait :


L’importance de ce but, justement, appréciée par le sens élevé de ceux qui ont en main les destinées de l’Empire d’Allemagne, les conduira, nous en avons confiance, à nous tendre amicalement la main pour l’atteindre. Sans nul doute, ce serait une joie pour l’Eglise de voir la paix rétablie dans cette noble nation, mais ce ne serait pas une moindre joie pour l’Empire, qui, les consciences une fois pacifiées, trouverait, comme d’autres fois, dans les fils de l’Eglise catholique, ses sujets les plus fidèles et les plus généreux.


Ainsi Léon XIII, après Nina, répudiait l’idée d’une simple trêve, que Bismarck, à Kissingen, s’était leurré de faire accepter. C’était une déception pour le chancelier.

L’ancien ambassadeur Àrnim, qui ne perdait pas une occasion de se venger de Bismarck, commentait avec cruauté les lents et lourds apprêts des négociations. « Le Nonce vient ! » ainsi s’intitulait sa malveillante brochure, par une amusante allusion à certaine gravure populaire allemande : « Le lion vient, » qui représente toute une population s’affolant parce qu’un lion s’est sauvé d’une ménagerie. Arnim relevait, dans les écrits du théologien Perrone, certaines phrases véhémentes contre le protestantisme : le Pape les avait-il condamnées ? Non. Eh bien ! que le Pape les condamnât formellement, ex cathedra : alors un Etat protestant pourrait traiter avec lui. Mais jusque-là Arnim blâmerait tous pourparlers avec Rome : de part et d’autre, les points de vue lui paraissaient trop inconciliables ; il demandait ce qu’on penserait d’un général russe, qui, nommé ambassadeur auprès de l’empereur Guillaume, voudrait commander deux corps d’armée prussiens ; tous les prélats qu’on installerait dans une nonciature berlinoise, à une ou deux exceptions près, viseraient à gouverner le clergé de l’Allemagne. Le roi de Prusse, s abouchant avec Masella par l’intermédiaire de Bismarck, faisait l’effet à Arnim d’un homme criblé de dettes, qui chercherait aide chez des usuriers, alors qu’il pourrait, gratuitement, trouver dans sa propre famille de braves gens avec qui parler. Ces braves gens, c’étaient en Prusse les sujets ; le roi Guillaume, sur lequel pesait, de par la faute de