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Répondant lui-même aux reproches d’avoir fait avec Gambetta des plans d’opérations militaires sans consulter un état-major capable de les assister, M. de Freycinet se défend, lui et le ministre, d’avoir voulu jouer les stratèges en chambre. « Quand une opération importante se présentait, je commençais, dit-il, par consulter les collaborateurs militaires qui pouvaient nous éclairer. Puis, si les circonstances le permettaient, par exemple avant la reprise d’Orléans, les généraux intéressés étaient réunis en un conseil que Gambetta présidait. Lorsqu’il s’est agi de la marche sur Paris, ou de l’expédition dans l’Est, les généraux en ont délibéré et nous étions d’accord avec eux. Nous n’avons marqué notre volonté personnelle que dans des cas très rares, d’importance secondaire, où l’initiative du général ne se manifestait pas en temps utile. Au surplus, les témoignages, recueillis par la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale, montrent à quoi se réduit cette accusation. »


La campagne de l’Est, dont M. de Freycinet eut le premier l’idée, fut acceptée librement par Bourbaki. Elle mérite qu’on lui consacre ici quelques développemens, au sujet de certains points du plus haut intérêt et encore obscurs.

Bourbaki aurait voulu le 18 décembre passer la Loire en aval de Nevers, remonter par Douzy et Saint-Fargeau et gagner la forêt de Fontainebleau pour essayer de débloquer Paris, tandis que Bressoles et Garibaldi tâcheraient de faire lever le siège de Belfort. Mais M. de Freycinet, trouvant ce plan trop hardi, proposa d’envoyer les 18e et 20e corps à Beaune, le 15e à Vierzon, les troupes de Bourbaki sur Dijon, et celles de Bressoles sur Besançon pour débloquer Belfort et menacer les communications allemandes, ce qui fut accepté par Bourbaki. Un savant historien militaire, le colonel Secretan, a critiqué la question du déblocus de Belfort qui, suivant lui, compliquait le plan en obligeant l’armée de l’Est à retarder une offensive qui aurait pu surprendre les généraux ennemis, Werder et Zastrow. En outre, de nombreux obstacles vinrent contrarier le plan convenu et en empêcher la réussite. Les désordres de l’embarquement des troupes, la direction malencontreuse des munitions, armes et vivres sur des gares insuffisantes à les recevoir et à les débarquer, la non-arrivée des cent mille mobilisés promis à