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d’une déplorable erreur dans la transmission télégraphique, blessa en lui le soldat. Je l’appris quelques jours après par son officier d’ordonnance, M. de Massa. » Celui-ci, résumant les différentes causes qui avaient poussé le général au suicide, avait cité la dépêche du délégué à la Guerre : « Autant j’admets votre attitude sur le champ de bataille, autant je déplore la lenteur avec laquelle l’armée a manœuvré avant et après les combats… » C’était une malencontreuse erreur de transmission, car l’original portait : « Autant j’admire votre valeur… » Et quelques jours après, le délégué à la Guerre mandait à Bourbaki : « C’est avec bonheur que j’ai appris que votre vie était hors de danger. J’estime en vous un brave et loyal soldat qui a fait noblement son devoir sur les champs de bataille et il m’eût été extrêmement douloureux de vous voir enlevé à la patrie. En vous parlant ainsi, je crois être l’interprète du pays tout entier qui n’a jamais douté et ne doutera jamais de la parfaite droiture de votre caractère. »

Il est certain qu’on ne peut approuver l’acte de défaillance qui poussa Bourbaki à vouloir se tuer pour échapper à l’atroce spectacle de la capitulation de ses troupes ; mais, étant donné ce que l’on sait, il est permis d’excuser son affolement. Ces généraux qui, dans les circonstances effrayantes où l’on faisait appel à leur dévouement, sont allés jusqu’aux dernières limites de l’héroïsme, méritent qu’on salue, qu’on honore leur mémoire. Ils en sont dignes, eux et leurs pauvres soldats, car ils n’ont rien marchandé pour essayer de sauver la patrie en danger.

Temps douloureux sans doute, mais temps glorieux aussi, où tous les Français oubliaient leurs fatigues et leurs maux pour ne former qu’une même et intrépide union contre l’envahisseur ! Sans doute, ceux qui les appelaient au feu ont commis des erreurs et des fautes qu’on ne saurait dissimuler, mais s’ils n’ont pu nous assurer la victoire tant désirée, ils ont cependant contribué à maintenir le bon renom de la France et sa volonté tenace de se défendre jusqu’à la dernière heure. C’est le cas de répéter avec l’héroïque général Ducrot : « Nos enfans du moins bénéficieront de l’honneur que nous avons sauvé ! »


Quant à l’armistice du 20 janvier, qui eut des conséquences si désastreuses pour l’armée de l’Est, M. de Freycinet nous