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apportaient des connaissances mieux éprouvées, sorties en quel-sorte l’une de l’autre, sous la pression salutaire de l’action et des difficultés dont ils avaient su se rendre maîtres. Là, ils n’avaient pas seulement appris à connaître les lois naturelles qui s’imposent à toutes les variétés de l’action productrice : ils avaient appris à connaître les hommes. Le Play va jusqu’à dire que ce sont là les véritables maîtres, les véritables autorités sociales.

D’autre part, est-ce que les jeunes gens qui ont fait leurs études classiques avec suite, avec méthode, et même avec un peu de fierté pour ce qu’elles leur assuraient d’avantages intellectuels, s’en sont partout contentés ? Est-ce qu’ils se sont toujours isolés pour former une caste n’ayant ni portes ni fenêtres ? Est-ce que tous les jours on ne voit pas d’anciens élèves de l’École centrale et de l’Ecole polytechnique faire un apprentissage de chauffeurs et de mécaniciens ? Est-ce que les écoles de commerce du Navre et de Lyon n’ont pas affirmé que leurs meilleurs élèves étaient sortis de l’enseignement littéraire ? Et M. Aynard n’a-t-il pas dit : « Pour ma part, j’ai toujours remarqué que dans nos professions, tous ceux qui tenaient la tête, qui formaient l’élite, étaient des hommes qui avaient reçu l’instruction classique ! »

Ainsi, sous l’action de la vie, les générations se rapprochent. On peut même dire sans paradoxe qu’elles se rapprochent d’autant mieux que tout d’abord elles tendaient moins à se ressembler. Ayant acquis de part et d’autre des ressources très différentes, elles doivent pratiquer plus volontiers des échanges où l’harmonie dont il était question plus haut corrige les inconvéniens et développe les avantages de la division du travail.

L’idée contraire est, il faut bien le dire, la marotte d’une administration centralisée qui a la prétention de fabriquer elle-même dans ses propres moules des types complets de professionnels. Admettons cependant qu’il y ait quelque chose d’acceptable dans les deux conceptions. Concédons surtout qu’il y avait lieu de former plus d’un type d’enseignement composite à mettre à la libre disposition des familles. Il eût été bon de se souvenir de plus d’un conseil donné avec tant d’autorité.

De celui-ci d’abord, émané d’un proviseur modèle, justement populaire auprès d’une suite de générations, M. Blanchet : « Je ne suis, disait-il, l’ennemi d’aucune expérience, pourvu