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commun que puise la masse beaucoup plus que dans la seule parole d’un homme placé peut-être trop au-dessus d’elle. Que ceux qui gouvernent de haut l’Université méditent ces paroles de l’un de ses grands-maîtres, de M. Combes, le vrai, l’illustre M. Combes. Se souvenant sans doute encore un peu du texte de l’Évangile : « Je connais mes brebis et mes brebis méconnaissent, » il disait devant la Commission : « Le professeur est en réalité l’âme de sa classe : c’est lui qui, prenant un élève au début de l’année, le suit chaque jour dans son travail, le dirige vers un but qu’il connaît, indue sur lui, développe ses qualités. Dans l’enseignement classique[1], il lui enseigne le français, le latin, le grec. Nous n’avons pas cette unité dans l’enseignement moderne. Je voudrais que le professeur mis à la tête de l’enseignement moderne réalisât la même unité intellectuelle et morale que le professeur de l’enseignement classique. »

Il était facile de railler les récitations de leçons, les sujets de devoir, les explications d’autrefois, facile aussi de dire que les classes de deux heures étaient longues. Les classes d’une heure multipliées sont assurément plus énervantes, parce que tout s’y fait au galop, sans rien de personnel et de vivant et que, sous prétexte que chacune, prise à part, est plus courte, on en impose beaucoup plus. En général, l’ensemble a été porté à un nombre d’heures qui va de 22 à 26 par semaine, au lieu des 20 d’autrefois, ce qui fait qu’il ne reste plus grand’chose pour la lecture, pour la préparation des textes et pour la composition. Les classes de deux heures, lorsqu’elles étaient confiées à un seul maître vraiment responsable, avaient une diversité d’exercices qui les rendait parfaitement supportables. Dans les versions et dans les discours, dans les explications, dans les questions, dans les réponses, elles voyaient se succéder des occasions variées de ramener des esprits légers au respect d’un petit nombre de principes éducatifs fondamentaux : « Il ne faut jamais passer à une idée sans avoir clairement exprimé l’idée qui est faite pour la préparer, pour l’amener. Ce qui est obscur a toutes les chances possibles d’être faux ; or voici la preuve que telle phrase est obscure : celui qui l’a écrite ne peut pas en rendre compte. Pour réfuter une assertion, un raisonnement,

  1. Dans celui d’autrefois, tel qu’il était encore au moment de cette déposition.