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rétablissement qu’on en déciderait exigerait à son tour de remaniemens ? Ceci est une question de technique pédagogique et de technique administrative, qui exigerait des discussions très minutieuses. Ce qui domine tout, c’est la nécessité de se rappeler ce que c’est que la formation d’un adolescent à élever. De lui-même, l’enfant parle, agit, joue, chante, dessine, craint et désire, jouit et souffre, aime celui-ci, hait celui-là, un peu au hasard. Dans tout cet essor de sa vie naturelle, il faut introduire de plus en plus d’ordre et de raison, c’est-à-dire de conscience. Il faut qu’il apprenne à parler de manière à se faire comprendre, à se comprendre lui-même, à comprendre enfin de mieux en mieux la nature, l’humanité, leurs œuvres respectives. Il faut qu’il apprenne à désirer et à craindre ce qui mérite en effet d’être craint et d’être désiré : il faut qu’il apprenne à faire difficilement ce qu’il a fait d’abord au petit bonheur et en se jouant. Ce n’est que quand ses tendances auront été ainsi amendées et rectifiées qu’elles pourront aller rejoindre les habitudes servant à ménager les efforts pour les luttes toujours renaissantes de la vie. Raisonner une idée, une parole, une résolution, un acte enfin et le comprendre, s’y habituer après avoir compris que c’était là le meilleur, faire servir ensuite cette habitude à une préparation plus aisée de nouvelles conquêtes, telles sont les phases de l’éducation. Pour qu’elles se suivent et aboutissent, il faut un maître, c’est-à-dire un homme capable, dans la société qu’il forme avec ses élèves, d’assurer la continuité des efforts et l’unité de la méthode.

Demandera-t-on où seront les sanctions de cette responsabilité du maître principal ? Un peu dans les jugemens de ses supérieurs, beaucoup plus dans le sentiment qu’on lui aura rendu de l’honneur de sa tâche. Elles seront enfin dans la liberté de choix laissée aux familles et aux organisations sociales dont il leur plaît de se servir.

Quels que soient les pouvoirs qu’on se flatte d’avoir en mains, vouloir suffire à tout, partout, avec le même personnel, c’est se condamner à ne suffire à rien : et l’oppression plus ou moins déguisée qu’on exerce au dehors ne compense sur aucun point, — tant s’en faut, — l’anarchie qui se développe au dedans.


HENRI JOLY.