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davantage dans le vif de l’action, nous sentons l’intérêt faiblir ; même, nous nous apercevons, dès le commencement du dernier acte, qu’il est épuisé. C’est d’abord que nous n’avons plus aucune surprise à attendre. Et je ne fais pas de l’intérêt de surprise plus de cas qu’il ne faut ; mais ce genre d’intérêt est essentiel à l’art de M. Bernstein. Nous voyons que le procès tourne à la confusion de Marc Lebel, qui est condamné à deux ans de prison, et à la gloire de Mérital qui est porté en triomphe : que le contraire nous eût étonnés ! Nous apprenons ensuite que Mérital épousera Renée. Ce sont ses enfans eux-mêmes qui lui conseillent et qui bénissent ce mariage. Voilà de bons enfans ; toutefois, on ne voit pas clairement quel lien existe entre le gain du procès et la conclusion de ce mariage absurde. Mais ensuite et surtout, ce que nous reprochons à cet acte, qui se traîne en redites, c’est qu’en revenant sur le passé, et sous prétexte de l’expliquer, il le banalise, il l’affadit, et, en introduisant l’incohérence et la contradiction dans une pièce jusque-là d’un dessin si serré, il en diminue singulièrement l’effet. La plus grande partie de l’acte y est consacrée à un long monologue où Mérital fait, pour l’édification de Renée, un récit larmoyant de son ancienne faute. Il excuse, excuse ; il atténue, atténue, atténue. Il a volé autrefois, il y a de cela très longtemps, quatre mille francs, quatre pauvres petits mille francs, et dans quelles circonstances ! Il avait la misère au foyer ; il venait de voir sa femme, à peine relevée de couches, laver elle-même les carreaux de la cuisine. Il a volé parce qu’il était bon époux et bon père. C’est le vol attendrissant et moral. Ce n’est pas tout : il a expié. Les pires souffrances ne lui ont pas été épargnées. Il y a certaine anecdote d’un soir où, détournant la tête, il a demandé l’aumône à deux femmes du monde, qui est d’un pathétique à fendre l’âme. Et ce n’est pas tout encore : il a remboursé. Il a rendu l’argent au volé qui lui a rendu son estime : serons-nous plus impitoyables au pécheur repenti et qui s’est racheté ? Hésiterons-nous enfin à l’absoudre, quand nous le voyons se condamner lui-même ? Car il renonce à la vie politique. Le « parti social » n’a pas de chance, depuis Lamartine. Renée non plus. Ce qu’elle aimait en Mérital, c’était l’homme public, l’orateur acclamé, le politicien à succès ; le succès s’en va, les cinquante-trois ans restent.

Nous touchons ici au défaut essentiel de cet art tout en surface. Le mécanisme y est d’une rare perfection. Mais ne nous avisons pas de regarder à l’intérieur. Est-ce en effet l’étude d’un caractère que nous y cherchons ? Nous serions, semble-t-il, en droit de le faire, puisque