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REVUES ÉTRANGÈRES

LES ÉCRITS POSTHUMES DU COMTE TOLSTOÏ


Le Faux Coupon, le Cadavre Vivant, etc. ; le Père Serge, la Lumière qui brille dans les ténèbres, etc. ; Hadji Mourad, etc, 3 vol. — Saint-Pétersbourg, Londres, Berlin, Paris. 1912.


J’imagine que la joie des héritiers du comte Léon Tolstoï dut être bien vive, — et mêlée peut-être d’un peu de surprise, — lorsqu’en examinant les papiers posthumes de l’illustre auteur de Résurrection ils y découvrirent un grand drame inédit absolument achevé, un drame « en six actes et douze tableaux, » intitulé : le Cadavre Vivant. Aussitôt la nouvelle de l’heureuse découverte se répandit à travers le monde ; les principaux théâtres de Saint-Pétersbourg et de Moscou rivalisèrent de zèle pour orner de somptueux décors la mise en scène du drame ; et, en attendant que l’un de nos théâtres parisiens nous révélât, à nous aussi, le dernier chef-d’œuvre de Tolstoï, une traduction nous en fut offerte par l’un de nos grands journaux illustrés. Il est vrai que, pour notre public français tout au moins, la lecture de ce Cadavre Vivant se trouva être une déception. Non seulement l’œuvre du comte Tolstoï manquait, à un degré incroyable, de toute trace de ses idées philosophiques et morales ; non seulement la pièce n’était qu’un « mélodrame » assez banal, et dont l’invention même n’avait rien de méritoire, — puisqu’on nous apprenait que l’aventure qui en formait le sujet avait eu lieu réellement dans une certaine ville de la Russie : mais l’ordonnance des scènes, l’allure du dialogue, la langue, tout cela avait quelque chose de pénible et de maladroit, pour ne pas dire : d’enfantin, qui n’était guère pour nous rappeler la prodigieuse aisance et vigueur dramatique de la Puissance des Ténèbres et