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reprenait sa liberté : une conversation nouvelle était nécessaire entre elle et nous et de nouvelles combinaisons devaient en sortir. Nous qui nous serions si bien contentés de l’Acte d’Algésiras et, après l’Acte d’Algésiras, de l’arrangement de 1909, nous n’avons pas vu sans anxiété nos troupes partir pour Fez. Cette marche hardie devait nous conduire à Kissingen. L’Allemagne, qui n’avait pas osé jusqu’alors parler de compensation, n’hésitait plus à le faire, et notre gouvernement sentait bien qu’il faudrait en passer par là.

On le lui a reproché. L’opinion française n’admet pas que des compensations aient été dues à l’Allemagne. Assurément, en principe, nous ne devions rien, mais nous ne sommes pas ici dans le domaine des principes, nous sommes dans celui des faits. Ces faits sont d’ailleurs légitimés par l’histoire universelle. Lorsqu’un pays, même dans les conditions les plus justifiables et les plus justifiées, développe son influence et étend son territoire, l’idée d’un équilibre à rétablir se présente à l’esprit de ses voisins qui manquent rarement l’occasion de l’invoquer comme un droit. Faut-il rappeler une fois de plus que nous avons reconnu ce droit à l’Angleterre, à l’Italie et à l’Espagne, et que nous aurions été dès lors mal venus à le contester à l’Allemagne ? C’est ce que M. Ribot a compris et ce qui ne pouvait pas échapper à sa haute intelligence ; mais le seul passage de son discours qui ait rencontré quelque résistance dans le Sénat est précisément celui où il a fait allusion à la nécessité qui, de ce chef, s’imposait à nous. « On eût trouvé, a-t-il dit, assez légitime dans ce pays que, pour avoir le protectorat cinq ans après le voyage de l’empereur Guillaume à Tanger, la France consentît, comme l’ont fait bien d’autres nations, — l’Angleterre et d’autres, — à ce qu’on appelle de larges rectifications de frontières, à des échanges avantageux. » L’Officiel porte que ce langage a provoqué des « mouvemens divers » dans l’assemblée et des protestations formelles à droite. Il était pourtant fort sensé, mais l’opinion est devenue sur ce point d’une susceptibilité ombrageuse. Pourquoi ? Non pas tant, croyons-nous avec M. Ribot, parce que nous avons dû faire effectivement quelques concessions territoriales, qu’à cause des formes maladroites et vexatoires dont le gouvernement allemand a entouré pour nous cette obligation.

Il y a quelques mois à peine, le Congo entrait pour une faible part dans les préoccupations habituelles de la grande majorité des Français ; on ne le considérait pas comme intangible ; on y aurait )facilement consenti les « larges rectifications de frontières » dont