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morales et sociales ne se prouvent pas géométriquement ou physiquement, elles n’en sont pas moins valables pour le philosophe. Bien plus, elles sont l’objet même de la philosophie, qui doit en découvrir la nature, l’origine, le but, le fondement ultime dans nos sentimens les plus intérieurs, dans nos idées ou pensées les plus reculées et les plus vitales, qui sont aussi les vraies forces internes.

Les sciences positives, aujourd’hui envahissantes, ne sont pas, ne seront jamais tout. Et c’est précisément la philosophie qui démontre cette vérité, qui trace à la science ses méthodes et les bornes de ses recherches. C’est ce qu’on appelle la critique de la connaissance. Si la science positive était tout, il n’y aurait pas de philosophie. Sous prétexte de « populariser » la morale, comme on dit, il ne faut pas rabaisser, mais, au contraire, l’élever à ses plus hauts principes, qui sont à la fois les plus simples, les plus généraux, les plus généreux, les plus féconds. Ce sont les grandes idées de désintéressement qu’il faut répandre, non les petites idées d’intérêt. C’est en agissant sur les ressorts les plus moraux de la nature humaine, surtout chez l’enfant et le jeune homme, qu’on aura chance d’exercer une action à la fois profonde et durable.

L’éducateur donc doit s’adresser d’abord au sentiment et au cœur ; puis, à mesure que l’enfant grandit, il doit, pour en faire un homme sociable et un citoyen libre, lui faire comprendre les principales raisons de ses devoirs, y compris les devoirs envers ces hommes plus prochains qui sont nos compatriotes. Il doit ajouter que ces raisons constituent seulement une partie des raisons infiniment nombreuses qui lient notre conscience à autrui par une universelle solidarité. Il y a de l’infinité dans le cœur humain comme il y en a dans la nature.

Répandre ainsi chez tous des notions de plus en plus précises sur la société, sa constitution, ses conditions nécessaires, combattre ainsi l’utopie et la violence, voilà le grand besoin social de notre époque. De la lumière viendra la paix, de la paix viendra la lumière. Pour traduire notre pensée, imaginons cette devise :


De luce pax, de pace lux,


ALFRED FOUILLEE.