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les servira le mieux. Liberté des échanges, liberté des fonctions, liberté des engagemens, tout l’inverse de notre législation, le plus souvent. Là comme ailleurs, il est néfaste de poursuivre la prospérité d’une catégorie professionnelle aux dépens d’une autre ou de toutes les autres. La marine entretient ses équipages, autant que ses armateurs ; elle importe à la richesse du pays entier. Le premier besoin est de la ressusciter. Rien n’y réussira sinon une administration dévouée, faite pour les administrés, non pour les administrateurs, pour les hommes et les choses, non pour les principes ; souple, par conséquent, se pliant à toutes les nécessités commerciales, que dis-je, à toutes les commodités, à toutes les exceptions profitables, à tous les cas particuliers : une administration servante et non maîtresse. Ne vient-on pas de préparer une loi pour donner l’autonomie aux ports, et c’est un carcan dont on les charge ! Avant tout, on leur impose de s’aligner sous la règle générale. Regardons la grande démocratie d’Amérique : la plus grande part de l’activité législative s’y dépense à libérer les villes des règles générales qui les gênent, à édicter des lois d’infraction aux lois. Telle est la méthode adaptée aux réalités.

Le jour où nous saurons l’appliquer au relèvement de notre marine marchande, avec la sollicitude vraie et la modestie administrative nécessaires au succès, nous verrons que l’Inscription maritime n’y sert de rien, qu’elle y nuit plutôt. Les remèdes sont ailleurs, dans une organisation des moyens matériels, dans une collaboration des forces éparses dans le pays. Le système traditionnel, prolongé sur un monde économique nouveau que Colbert ne pouvait prévoir, s’oppose à cette collaboration, tient le pays à l’écart de sa marine. C’est la ruine pour celle-ci, l’affaiblissement pour celui-là Les bénéficiaires eux-mêmes, les inscrits, n’en sont ni plus heureux ni plus prospères. Il est temps de mettre fin à une situation dont tout le monde souffre, excepté nos rivaux étrangers.


GEORGES BLANCHON.