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de leurs officiers, et ils sont grands, les Italiens n’avancent pas dans la Tripolitaine. L’immense effort qu’ils ont fait et qu’ils continuent rencontre des résistances imprévues, qui tiennent en grande partie à la nature du terrain : ils en viendront à bout avec le temps, mais ce temps commence à leur paraître long et leur impatience augmente de jour en jour. La Porte, au contraire, souffre peu de la guerre et affecte de ne pas en souffrir du tout. Les Italiens ont envoyé des quantités d’hommes et de munitions dans la Tripolitaine : leur entretien coûte très cher. La Porte, paralysée d’ailleurs par son infériorité maritime, n’envoie rien en Afrique et laisse à Allah, qui est grand, le soin de faire face aux événemens. Sa confiance, jusqu’ici, n’a pas été trompée. Il y a 4 000 hommes de troupes turques en Tripolitaine et c’est un noyau qui ne peut pas augmenter, mais autour de lui les Arabes pullulent, poussés par le fanatisme de leur religion et de leur race et excités par la puissante congrégation des Sénoussi qui pourvoit à tous leurs besoins. Combien sont ces Arabes ? Vingt, trente, quarante mille ? On ne le sait ‘pas au juste ; leur nombre est probablement variable, car ils vont et viennent librement ; mais ils sont intrépides, méprisent la mort et présentent des qualités guerrières qui en font des adversaires redoutables. Ils sont d’ailleurs à peu près indépendans de la Porte et si celle-ci y mettait fin officiellement, rien ne prouve que la guerre cesserait effectivement. Les 4 000 Turcs s’embarqueraient peut-être pour rejoindre le poste qui leur serait assigné ; encore n’est-ce pas bien certain ; mais que feraient les Arabes ? Il faudrait les vaincre pour être maître du terrain.

Le parlement italien, qui vient de se réunir, s’est livré à des manifestations patriotiques du caractère le plus imposant. Il est impossible de n’en être pas ému. Les deux Chambres ont ratifié avec enthousiasme le décret qui a prononcé l’annexion de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque à l’Italie. Les discours prononcés, soit par des orateurs indépendans, soit par le gouvernement, témoignent tous de la même et ardente volonté de faire de ce décret une réalité : malheureusement, pour cela, il faut plus que des votes parlementaires. Aussi le bruit avait-il couru, et l’événement vient de le confirmer, qu’une action maritime de la flotte italienne coïnciderait avec la rentrée du Parlement. On ne savait trop ce que serait cette action ; on la donnait toutefois comme certaine et elle s’est en effet produite sous la forme d’une canonnade à la suite de laquelle un garde-côte et un torpilleur turcs ont été coulés dans le port de Beyrouth. Quelques boulets égarés sont venus tomber sur la ville et y ont fait