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ESQUISSES CONTEMPORAINES

M. JULES LEMAITRE


I
LA PREMIÈRE INCARNATION


Ma source, humble et jolie,
A tout, mélancolie.
Caprice, éclat, beauté,
Grâce et bonté.

(Le Ru. Les Médaillons, éd. originale, p. 95.)


Une verve endiablée, très surveillée peut-être, mais étourdissante ; un style exquis, ailé, tout pétri d’esprit de finesse, et qui sauve, par son air de parfait naturel, par la grâce souveraine dont il ne se départ jamais, ses plus vives familiarités, et jusqu’à ses pires audaces ; une pensée très ferme sous ses dehors de souple nonchalance, mais incroyablement « subtile, engageante et hardie, » « ondoyante et diverse » comme la vie elle-même, et capable de prendre tous les tons, de se prêter à toutes les formes de l’art ; un tour d’esprit si français qu’il semble qu’on ne puisse le goûter pleinement que chez nous ; un charme singulier, fait d’ingénuité et d’ironie, d’irrévérence et de modestie, de clairvoyance et de fantaisie, d’indulgence et de malice, d’émotion et de drôlerie, de gaminerie même : voilà quelques-uns des dons qui, dès l’avènement de M. Jules Lemaître à la vie littéraire, ont surpris, scandalisé quelquefois, mais surtout enchanté, séduit, ensorcelé ses contemporains... Vous vous rappelez ce que Saint-Simon disait de Fénelon :