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blir en règle que les Espagnols feront ce qu’ils voudront, en pleine et complète liberté, dans une zone dont nous nous désintéressons. Sans doute on ne supprimera pas toutes les difficultés que fait naître le voisinage, mais on peut les atténuer beaucoup en pratiquant en toute sincérité le désintéressement dont nous venons de parler. C’est dans ce sens qu’il faut chercher à établir, c’est-à-dire à limiter dans son étendue notre protectorat administratif : évidemment la zone espagnole y échappe pour tout ce qui n’est pas intérêt d’État, essentiel et vital. Reste la question territoriale sur laquelle il est naturel que nous demandions à l’Espagne de nous faire quelques concessions et cela pour deux motifs. Nous en avons déjà indiqué un, c’est qu’en travaillant pour nous, nous avons travaillé pour elle. Si nous n’avions pas fait au Maroc les expéditions que nous y avons faites et dont la dernière est la marche sur Fez, les éventualités prévues par nos arrangemens avec l’Espagne ne se seraient pas produites ; elle n’aurait donc pas pu aller elle-même à Larache et à El-Ksar ; en un mot, les avantages qu’elle a réalisés, sans qu’il lui en ait rien coûté, seraient restés hypothétiques et pour le moins ajournés à un avenir indéterminé. De cette situation ne dérive-t-il pas pour nous un droit à une compensation ? Mais nous avons un autre motif de demander à l’Espagne de faire avec nous un arrangement nouveau, ou de modifier légèrement l’ancien, et ici c’est une question de bonne foi qui se pose entre nous. Lorsque nous avons fait avec elle l’arrangement qu’elle invoque, nous ignorions plusieurs choses que l’Espagne ignorait aussi et qui se sont depuis précisées à nos yeux comme aux siens. Des lignes géographiques ont été tirées au juger, au petit bonheur, sur des cartes mal faites, à travers des pays mal connus, de sorte que ni l’Espagne ni nous n’avons fait exactement ce que nous voulions faire et que nos zones respectives n’ont pas toujours eu les limites exactes que nous nous étions proposé de leur donner. N’avons-nous pas dit que ces limites auraient beaucoup moins de relief que les Pyrénées ? Nous avons abandonné à l’Espagne des territoires qui ont plus d’intérêt pour nous que pour elle et qu’elle peut nous rétrocéder sans nous faire un grand sacrifice. Si la situation inverse existe aussi, il est naturel que nous en tenions compte, — à la condition cependant de ne pas oublier que c’est nous et nous seuls qui avons dépensé jusqu’ici en abondance des hommes et de l’argent au Maroc, et que notre rôle de demandeur a en conséquence un caractère privilégié.

Ne peut-on pas s’entendre sur ces bases ? Il serait surprenant que