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engagemens avec le passé, sans prévention, sans parti pris ; il verra et agira vite. C’est ce que nous attendons de lui.

On ne saurait d’ailleurs trop s’étonner de l’étrange imprévoyance, ou plutôt de l’aveuglement avec lequel les affaires marocaines ont été menées. Il semblait que tout fût fini parce que nous étions allés à Fez, et on traitait d’alarmistes incorrigibles ceux qui continuaient de croire qu’on était non pas à la fin, mais au début d’une entreprise délicate, difficile, à tous égards laborieuse. Nous disions, dès ce moment, qu’aller à Fez n’était rien et que les suites de l’opération seraient autrement lourdes que l’opération elle-même. On ne l’a pas cru ; l’opinion mal éclairée s’est endormie dans une confiance exagérée) et pourtant, à défaut d’une observation plus attentive de ce qui se passait autour de Fez et à Fez même, un peu de mémoire aurait suffi pour prévoir ce qui devait arriver. L’établissement de notre protectorat en Tunisie a débuté de même ; nous avons surmonté sans peine les premières résistances que nous avons rencontrées ; nous sommes devenus les maîtres aux moindres frais. Alors nous avons cru, comme depuis au Maroc, que tout était terminé et notre confiance a été si grande que nous avons rappelé une partie de notre corps expéditionnaire. Peu de temps après, la révolte a éclaté dans le Sud : il a fallu faire revenir nos troupes et commencer une nouvelle expédition qui a été plus longue et plus pénible que la première. C’est ainsi que les choses se passent toujours. Le danger au Maroc est plus grand qu’en Tunisie, parce que nous y avons affaire à une population plus guerrière, parce que la topographie du pays est en quelque sorte plus hostile, enfin parce que les deux tiers, sinon même les trois quarts du pays n’ont jamais connu une autorité quelconque. Nous espérions trouver plus de facilités dans les régions prétendues soumises au Maghzen ; mais elles ont été sourdement travaillées et chaque jour nous apporte la nouvelle que, tantôt telle tribu, tantôt telle autre se soulève. De tous les côtés, un vent de haine souffle contre nous. Cela est grave, certes, mais la France est assez forte pour vaincre tous les obstacles et elle a engagé son honneur à le faire. Ces obstacles, le général Lyautey les reconnaîtra dès son arrivée à Fez : à lui de dire s’il a les forces nécessaires pour les briser. S’il les a, nous en serons fort aises ; dans le cas contraire, nous devrons les lui donner, quelles qu’en soient les difficultés, et elles seront grandes. Nous avons épuisé en effet, ou peu s’en faut, les ressources de l’Afrique. L’événement d’hier a montré le peu de fond que nous pouvons faire sur les troupes chérifiennes. Reste l’armée de