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ce traité : elle devait être très vive dans tout le Maroc. Aussi l’affaire a-t-elle été menée comme une conspiration. Les esprits n’y avaient pas été préparés et, au surplus, nous doutons qu’on eût pu le faire d’une manière efficace. La révolte était inévitable : on l’a si bien senti qu’on a fait effort pour tenir la nouvelle secrète pendant quelques jours ; mais il n’y a pas plus de secret à Fez aujourd’hui qu’il n’y en a à Paris ou ailleurs ; le traité été connu aussitôt que signé. On sait ce qui en est résulté : les troupes chérifiennes se sont insurgées, et plusieurs de nos compatriotes ont été massacrés. Nous avons été obligés de reconquérir Fez, d’y faire entrer des troupes par la force, de mettre la ville en état de siège, et, malgré tout cela, il s’en faut de beaucoup que la sécurité y soit rétablie : plusieurs quartiers sont encore interdits aux Européens qui ne pourraient pas y pénétrer sans danger de mort. L’ordre matériel est à la surface, le frémissement de la révolte court au-dessous. La situation n’est pas meilleure dans le reste du pays qu’on a dégarni de troupes pour en garnir la capitale : si le danger diminue sur un point, il augmente sur un autre sans disparaître sur aucun. Les choses en sont là : puissent-elles ne pas s’aggraver avant l’arrivée du général Lyautey !

Nous n’avions pas compris, il y a quinze jours, comment le projet de faire venir le Sultan à Rabat et de là à Paris avait pu se présenter à un esprit raisonnable. Eh quoi ! on avait conduit Abd-el-Aziz à Rabat et cette démonstration absurde avait précipité sa chute : allait-on recommencer avec Moulaï-Hafid ? Les autorités françaises à Fez n’étaient pourtant pas aussi oublieuses, ni aussi gratuitement imprudentes qu’il le semblait : mais pourquoi n’a-t-on pas dit tout de suite que ce n’était pas M. Regnault qui voulait promener le Sultan à Rabat et à Paris, mais le Sultan qui voulait y aller à tout prix ? On l’a su depuis et on s’est demandé quelle fringale de mouvement s’était emparée de lui. Pourquoi éprouvait-il cette impatience fébrile de changer de place ? Sans doute il étouffait à Fez, et, après y avoir vu plusieurs fois la mort de près, sentait-il le besoin d’aller respirer ailleurs, et sans doute aussi ce besoin s’est-il manifesté chez lui d’une manière encore plus pressante lorsqu’on lui a mis la plume dans la main pour qu’il signât le traité. Il a consenti à signer, mais à la condition de s’en aller tout de suite après et vraisemblablement de ne plus revenir : le gouvernement de la République ne l’avait-U pas autorisé d’avance à abdiquer ? Quand on a connu ces détails, la question du) voyage à Rabat et à Paris a commencé à s’éclaircir. Il est probable que, pour obtenir sa signature, de |nouvelles promesses ont été faites au Sultan