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nation entière est du même avis. L’Alsace-Lorraine est un pays qui nous appartient comme toute autre partie de la patrie allemande. Si, ce que je ne crois pas, les excitations et les manœuvres y devenaient dominantes, le Conseil fédéral et le Reichstag aviseraient à réduire et à détruire cette agitation. L’honneur de l’Allemagne leur en imposerait le devoir. » Nous reproduisons ces paroles sans les commenter : pour qu’un homme d’un parfait sang-froid comme M. de Bethmann-Hollweg les ait prononcées, il faut que la situation reste tendue en Alsace et que les esprits y aient fait peu de progrès dans le sens de la germanisation.

Mais les socialistes qui ont soutenu cette discussion attachaient évidemment peu d’intérêt à l’Alsace-Lorraine : leur seule préoccupation était d’attaquer l’Empereur et, quand ils ont vu que le chancelier le couvrait et le défendait, ils sont revenus à la charge avec plus d’ardeur encore. On ne peut pas dire que la liberté de parole n’existe pas au Reichstag, car dans aucun autre parlement du monde le chef de l’État ne pourrait être traité comme l’empereur Guillaume l’a été. Il est vrai que le gouvernement allemand n’est pas un gouvernement parlementaire et que, quand le chancelier déclare couvrir son souverain, c’est de sa part une pure fiction, car celui-ci gouverne en réalité et ses ministres sont responsables seulement devant lui. Cette forme politique a, comme on le voit, ses inconvéniens. Il résultera d’ailleurs peu de chose de l’incident dont nous parlons. Si les socialistes ont cru qu’ils renouvelleraient contre l’Empereur l’explosion d’impatience qui s’est produite en 1908, ils se sont trompés. Tout le monde a été d’avis, in petto, que l’Empereur aurait mieux fait de ne pas tenir à Strasbourg le langage qu’il y a tenu, mais l’indignation des socialistes n’a trouvé d’écho ni dans le pays ni dans le Reichstag. On aurait dit, au Palais-Bourbon, que l’incident était clos.


Nous ne parlerons pas aujourd’hui de la guerre italo-turque parce que nous le faisons dans une autre partie de la Revue. La prise de possession des îles de la mer Egée par l’Italie n’a encore produit aucun effet apparent, mais elle fait réfléchir et elle donnera bientôt du travail à la diplomatie. L’Italie a déjà occupé une douzaine d’îles et rien ne l’empêche d’en occuper davantage : la difficulté sera pour elle de les garder ou de les rendre. Les garder, elle est la première à déclarer qu’elle n’a aucune intention de le faire. Elle les a prises, dit-elle, pour servir d’objets d’échange, mais d’échange contre quoi ? Contre la Tripolitaine ? C’est tourner dans un cercle pour revenir au