Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/722

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Londres aux dépenses que coûtera l’exécution du programme de M. Churchill. Il n’y a pas à hésiter pourtant, car il s’agit d’une question d’existence : To be or not to be. Mais quelque effort qu’on fasse, on se demande s’il sera toujours efficace. Les grandes Puissances coloniales et commerciales sont vulnérables aujourd’hui sur toute l’étendue du globe : c’est donc partout qu’elles doivent être prêtes à se défendre et aucune n’est sûre de pouvoir le faire si elle reste dans un isolement qui cesserait bientôt d’être splendide pour devenir désastreux.

Telles sont les réflexions que font tout haut plusieurs journaux anglais avec la simplicité tranquille et la franchise envers eux-mêmes et envers les autres qu’ils apportent dans la discussion des intérêts de leur pays. Ils concluent qu’après être sortis de l’isolement pour entrer dans la période des ententes, il convient sans doute d’aller plus loin et de substituer des alliances formelles à des ententes qui, restant vagues, n’imposent aucune obligation strictement déterminée et ne sauraient dès lors donner qu’une insuffisante sécurité. Mais avec qui s’allier ? Avec l’Allemagne ou avec la France ? Si la question se pose ainsi quelquefois, c’est pour se conformer à une certaine méthode d’exposition et de discussion. Il est bien clair que l’Angleterre ferait un marché de dupe si elle s’alliait avec l’Allemagne ; elle favoriserait l’écrasement de la France et, le jour où la France serait écrasée, elle aurait assuré l’hégémonie mondiale de l’Allemagne maritime aussi bien que terrestre. La faute commise en 1870 serait renouvelée dans des conditions beaucoup plus inexcusables, parce qu’à l’abstention de cette époque on substituerait une intervention active dont le résultat serait d’établir la grandeur de l’Allemagne sur la ruine de la France et sur la déchéance de l’Angleterre : il serait puéril, en effet, de compter sur la reconnaissance de l’Allemagne lorsqu’on aurait tout abaissé autour d’elle et à son profit. Il ne peut donc s’agir que de l’alliance avec la France : la seule question est de savoir s’il y a lieu de la conclure ou de s’en abstenir.

Le fait même que cette question est posée témoigne d’un changement notable dans la mentalité britannique. La presse l’aborde très directement. L’Observer, en particulier, demande : Que nous donnera la France ? Que lui donnerons-nous ? Les deux apports doivent être égaux. Mais mieux vaut citer son article. « On ne peut vraiment pas s’attendre, y lisons-nous, à ce que les Français, aussi généreux qu’ils puissent l’être, risquent leur existence même pour nous préserver des conséquences de notre propre aveuglement. Nous demandons à la