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journées trop courtes qu’elle a passées au milieu de nous, les souvenirs qu’elle a évoqués, les espérances qu’elle a énoncées ont donné à la visite qu’elle nous a faite un caractère qui nous est précieux. M, Fallières l’en a remerciée dans des termes qui traduisaient bien les sentimens de la France. Nous sommes convaincus qu’il restera de ce voyage quelque chose de durable dans les rapports de deux pays qu’aucun intérêt n’oppose l’un à l’autre et qui peuvent en toute sécurité s’estimer et s’aimer.


La rentrée des Chambres et la reprise des travaux parlementaires devaient remettre sur le tapis la question du scrutin de liste avec représentation proportionnelle : elle a fait un pas décisif, grâce au langage très net et à l’attitude énergique du gouvernement. Un discours d’une demi-heure prononcé par M. le président du Conseil a rendu courage et confiance aux partisans de la réforme et jeté le désarroi parmi ses adversaires. Ces derniers se ressaisiront, il faut s’y attendre, ils s’y préparent. Décontenancés au premier moment, ils n’ont pas tardé à se grouper de nouveau sur un terrain de combat. Mais si le gouvernement tient la promesse qu’il a faite de mener les choses rondement de manière à obtenir une solution avant les vacances prochaines, la rapidité même du mouvement le sauvera des pièges qu’on s’apprête à lui tendre et lui permettra d’atteindre le but. Un discours comme celui de M. Poincaré est un engagement ferme qui, certainement, sera suivi d’effet.

On a reproché à M. le président du Conseil de n’avoir pas tenu dès le premier jour le langage qu’il tient aujourd’hui et d’avoir laissé la Chambre se fourvoyer avant de la tirer du gâchis. Mais le règlement de la Chambre ne permettait pas au gouvernement de retirer le projet de loi qui était en discussion lorsqu’il est arrivé aux affaires et, quelque incohérent qu’était ce projet ou qu’il était devenu en cours de discussion, il fallait attendre que celle-ci fût terminée pour en présenter un nouveau. Cette disposition du règlement n’a d’ailleurs jamais paru plus critiquable qu’en cette occasion où tous les inconvéniens en ont été sensibles ; mais peut-être, à force de l’avoir été, ont-ils produit quelque bien. Lorsque la discussion a été terminée, le projet de loi s’est trouvé tellement informe que le flot qui l’avait apporté a reculé épouvanté. Tout le monde a été d’avis que le projet ne pouvait pas rester tel quel : la seule question a été de savoir si la Chambre devait le corriger elle-même ou en confier le soin au Sénat. La Chambre ne savait trop quel parti prendre et le gouvernement