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le quotient électoral ? Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler que c’est le produit de la division du chiffre des votans par le nombre de sièges attribués à une circonscription électorale. Du chiffre des votans, disons-nous, parce que c’est ainsi que l’entend le gouvernement : d’autres que lui, recrutés surtout parmi les députés hostiles à la réforme, demandent que le chiffre à diviser, au lieu d’être celui des votans, soit celui des électeurs inscrits : le quotient est alors plus élevé, par conséquent plus difficile à atteindre et les sièges non attribués, ce qu’on appelle les restes, sont plus nombreux. De là une difficulté, une complication où se complaisent les adversaires du projet et aussi, plus discrètement, ses plus tièdes partisans. Il y a eu de grandes batailles pour savoir comment le quotient serait établi. Finalement, la Chambre a adopté comme dividende le chiffre des votans : M. Poincaré lui demande donc aujourd’hui de rester fidèle à sa propre opinion. Mais les arrondissementiers poussent les hauts cris. Ils déclarent que le gouvernement parlementaire repose sur une majorité. Or ils affirment qu’il n’y en aura pas dans le nouveau système, ou, ce qui est encore pire, que ce sera la minorité qui deviendra artificiellement la majorité, et ils se livrent pour le démontrer à toutes sortes de calculs qui prouvent une fois de plus qu’on fait dire aux chiffres tout ce qu’on veut.

Leurs critiques contiennent cependant une part de vérité : il est certain que le gouvernement ne peut fonctionner avec force que s’il y a une majorité forte et qu’en donnant trop d’avantages à la minorité on s’expose à avoir un gouvernement anarchique ou anémié. Mais le projet de loi crée-t-il ce danger ? Non certes : on peut même se demander si, avec la loi qu’il présente, la minorité sera plus largement représentée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Peut-être y aura-t-il, à ce point de vue, quelques surprises, comme il y en a eu d’ailleurs presque toujours après le vote d’une loi électorale nouvelle : l’histoire parlementaire en est pleine. Quoi qu’il en soit. M, le président du Conseil, tenant compte de ce qu’il peut y avoir de sincère et de fondé dans les craintes des partisans du régime majoritaire, leur fait une concession très large, nous serions tentés de dire trop large : il attribue tous les restes à la liste qui a eu le plus de voix. L’eau va à la rivière, comme dit le proverbe, mais aussi de là viennent les inondations. A ceux qui lui reprochent, à ceux qui l’accusent avec aigreur ou avec violence d’établir la représentation proportionnelle pure et simple, sans atténuations ni précautions, M. Poincaré est en droit de répondre qu’il fait à la majorité une concession énorme ; il