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conseiller ; on sentait que, dans les circonstances actuelles, il était dangereux de laisser le pouvoir en déshérence ; soit au dedans, soit au dehors, des questions sont posées qui exigent une vigilance sans intermittence et des solutions rapides. M. Barthou a entendu le vœu de l’opinion ; il a été expéditif dans la formation de son ministère ; la crise inopinément ouverte a été vite fermée. Fermée ? Le mot est sans doute exagéré. Le nouveau Cabinet est né, mais il s’agit maintenant de le faire vivre et on a vu tout de suite que ce n’était pas chose facile. Sa première confrontation avec la Chambre a rappelé celle de M. Briand, il y a deux mois : elle a été froide. Veut-on comparer des chiffres ? 324 voix s’étaient prononcées pour M. Briand, 77 contre, et il y avait eu 173 abstentions : 225 voix se sont prononcées pour M. Barthou, 162 contre et il y a eu 164 abstentions. 225 voix ne sont pas la majorité matérielle de la Chambre, qui se compose de tout près de 600 membres : néanmoins M. Barthou ne s’est pas découragé et il a eu raison. On a vu durer longtemps des ministères dont les débuts avaient été extrêmement laborieux et pénibles. L’opposition avait annoncé une seconde interpellation et a renoncé à la faire, ce qui semble bien indiquer quelque hésitation de sa part : elle a craint de voir grossir la majorité du ministère. En somme, le premier assaut qu’elle a livré a laissé la Chambre incertaine : et la suite est remise après les vacances.

Qu’a-t-on reproché à M. Barthou ? Les griefs contre lui sont de deux sortes : les uns portent sur les personnes, les autres sur les choses, c’est-à-dire sur le programme. Nous parlerons d’abord des premiers, non pas que nous les considérions comme les plus importans, mais parce que ce sont ceux auxquels les orateurs radicaux ont donné le plus de développement. Ils avaient beau jeu à signaler le caractère composite, bigarré, hétérogène du nouveau Cabinet. Eh oui ! il y a là des hommes appartenant à toutes les nuances du parti républicain, à l’exception des socialistes unifiés. M. Barthou a étendu fort loin le champ de la conciliation et, s’il a introduit dans la combinaison des radicaux-socialistes très avancés comme M. Massé et M. Charles Dumont, il y a admis M. Joseph Thierry qui, bien qu’il ait depuis quelque temps un peu évolué vers la gauche, n’en est pas moins un progressiste notoire : il est de plus un homme de mérite et de talent qui est parfaitement à sa place aux Travaux publics. Nous n’en dirons pas autant de M. Dumont ; il n’est certainement pas à la sienne aux Finances ; sa présence y a causé une véritable stupéfaction. Mais passons. Si M. Barthou a cru désarmer les radicaux