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citation, c’est qu’on ne saurait mieux dire que ne l’a fait sir Ed. Grey. Le chancelier allemand a-t-il été d'un autre avis ? Non certes : il a même mis quelque affectation à affirmer que la politique de l’Allemagne était pleinement d’accord avec celle du gouvernement britannique. « L’Europe, a-t-il dit, sera reconnaissante à sir Ed. Grey du zèle exceptionnel et de l’esprit de conciliation avec lesquels il a dirigé les conversations de Londres et a toujours su atténuer les contrastes... Aujourd’hui, il s’agit de faire exécuter les décisions des Puissances : nous sommes résolus à collaborer à ce travail de la manière la plus énergique. » Ce langage ne saurait manquer d’avoir de l’écho à Cettigné. Si l’Europe avait parlé avec cette netteté et cette fermeté dès le début de la crise, elle se serait épargné bien des difficultés.

La Russie seule s’est abstenue d’envoyer un navire de guerre dans l'Adriatique : elle n’en avait pas, a-t-elle dit, dans la Méditerranée et cela est vrai, mais il est permis de croire que cette raison est un prétexte et que le gouvernement russe a voulu ménager le sentiment slave, soit dans les Balkans, soit en Russie même où il est vivement excité. Toutefois, si la Russie ne prend pas part aux opérations, elle ne les désapprouve pas, elle ne les désavoue pas : loin de là, elle a défini son attitude dans le communiqué suivant : « Étant donné que les ambassadeurs réunis à Londres jugent une manifestation navale indispensable, le gouvernement russe, tout en n’y participant pas, émet l'avis que cette manifestation doit avoir un caractère international et que des navires français et britanniques doivent y prendre part. » L’abstention de la Russie ne fait donc pas perdre à la manifestation son caractère d’unanimité morale et lui laisse toute son autorité. Le roi Nicolas a cherché néanmoins à se soustraire à cette autorité. A la sommation que lui a adressée l’amiral anglais, commandant de l’escadre internationale, d’avoir à se soumettre aux désirs des Puissances, il a répondu en invoquant le principe de la neutralité violé à son détriment par la présence d’une flotte de guerre européenne dans les eaux monténégrines. A dire le vrai, on ne voit pas très bien ce que vient faire ici le principe de neutralité. Les Puissances ne prennent nullement parti pour la Porte. Il y a longtemps qu’elle a fait son sacrifice de l’Albanie et que les Puissances ont assumé la tâche de régler le sort de cette province. Ce n’est donc plus en réalité contre la Porte que le Monténégro continue en ce moment la guerre, mais contre l’Europe qui lui a notifié sa volonté. Il semble bien déjà que quelques symptômes de détente se produisent. Les Serbes, qui étaient sur le point d’envoyer de nouveaux renforts au Monténégro,