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temps futurs. Pour le moment, elles croient avoir un intérêt commun, l’Autriche à empêcher la Serbie d’avoir accès à l’Adriatique, et l’Italie à empêcher la Grèce d’y avoir une étendue de côtes trop considérable et s’élevant trop haut vers le Nord. A l’appui de son veto, sachant très bien qu’il est des circonstances où la force seule compte, l’Autriche a mobilisé. Nous ne referons pas cette histoire : elle est d’hier. Il n’est pas douteux que les sympathies générales étaient pour la petite et vaillante Serbie, mais la raison d’État a fait pencher la balance du côté de l’Autriche. Celle-ci ne pouvait pourtant pas occuper elle-même la partie de l’Adriatique qu’elle disputait à la Serbie ; il fallait donc que l’Albanie subsistât pour en hériter et la conserver. Tel a été l’intérêt, bien ou mal compris mais fermement défendu, de l’Autriche dans cette affaire. Quant à l’Italie, ce n’est un secret pour personne qu’elle ne voit pas d’un œil charmé le rapide développement que la Grèce, après la guerre, a pris sur terre et sur mer ; aussi à miter la Grèce dans son extension est-il devenu un des principaux soucis de sa politique. La pensée que la Grèce pourrait occuper la rive orientale de l’étroit canal qui sépare l’île de Corfou de la péninsule balkanique, a été particulièrement désagréable au Cabinet de Rome. Sa préoccupation s’explique en quelque mesure ; nous croyons cependant qu’elle a été fort exagérée. Mais nous n’avons pas à discuter ici les conceptions particulières que l’Autriche et l’Italie se sont formées de leurs intérêts fondamentaux : elles se présentent comme des faits, et l’Europe a cru devoir s’en accommoder dans l’intérêt supérieur de la paix. Elle a nommé une Commission dont l’œuvre de délimitation sera particulièrement difficile, parce que les principes en sont restés mal définis. Quoi qu’il en soit, l’Albanie, qui n’a jamais été une nation et qui aura beaucoup de peine à le devenir, s’est imposée à l’Europe comme une nécessité. Il y a malheureusement des nécessités qui peuvent devenir des impossibilités : nous souhaitons que ce ne soit pas le cas de l’Albanie et que, née ou rendue à la vie sous les auspices de l’Autriche et de l’Italie, elle ne devienne pas un jour entre elles un grenier à conflits. Ce jour, s’il arrive, est encore loin, mais la phrase de sir Ed. Grey nous revient à l’esprit comme une obsession : assurément, en ce qui concerne l’Albanie, la Conférence des ambassadeurs n’a fait ni du logique, ni peut-être du durable ; elle a seulement ajourné le heurt des ambitions en présence.

Pour ce qui est des îles, la question qu’elles soulèvent présente des difficultés d’un autre ordre, dont nous avons déjà dit un mot il y a quinze jours. Sir Edward Grey, qui ne pouvait pas la passer