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installations dispendieuses, encombrement, difficulté de manœuvre à terre, etc. Ce sont là des argumens très sérieux pour les partisans de leur suppression. Toute leur thèse peut se résumer ainsi : avec le prix d'un dirigeable et de ses accessoires, on pourrait avoir toute une flottille d'aéroplanes militaires, qui rendrait certainement de plus grands services.

Ce raisonnement sera inattaquable le jour où les aéroplanes posséderont la seule qualité qui leur manque aujourd'hui. Je suis persuadé que ce moment arrivera d'ici à quelques années ; mais nous n'en sommes pas encore là, et jusqu'à nouvel ordre ce serait une grave imprudence que de ne pas continuer à entretenir, dans notre flotte aérienne, un nombre respectable de dirigeables de gros volume.

Cette imprudence, nous l'avons commise, et nous en subissons aujourd'hui les conséquences ; il faut tâcher de les réparer. Certes, la responsabilité de cette situation fâcheuse incombe évidemment au Ministère de la Guerre et aux dirigeans de notre flotte aérienne, mais il serait tout à fait injuste de la faire peser sur eux tout entière, car l'opinion publique, depuis quelques années, s'est certainement enthousiasmée, avec raison d'ailleurs, pour l'aviation. Mais cet enthousiasme, si légitime qu'il soit, a été exagéré, car on attendait des aéroplanes plus qu'ils ne pouvaient donner. C'est cet emballement qui est la véritable cause de l'insuffisance de nos dirigeables militaires actuels. Il en a été tellement ainsi qu'au mois de février 1912 j'éprouvais le besoin de disculper notre Aéronautique militaire, de n'avoir pas abandonné complètement la construction des dirigeables : « Je ne pense pas, disais-je, qu'on puisse reprocher à l'inspection permanente d'aéronautique militaire d'avoir gaspillé les deniers de l'État en commandant des dirigeables. Je serais plutôt tenté de lui faire le reproche inverse. » Le seul tort de nos dirigeans est, à mon avis, d'avoir cédé trop facilement à l'impulsion générale de l'opinion publique, et de n'avoir pas développé comme il convenait notre flotte d'aéronefs plus légers que l'air.

Tâchons, une bonne fois, de bien nous mettre dans la tête cette idée, que les dirigeables sont aujourd'hui nécessaires à notre armée, que cette situation durera quelque temps encore, et que, tant qu'elle durera, notre devoir strict est de créer et d'entretenir une flotte de dirigeables égale, au moins, à celle de nos rivaux.