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prolonger sans danger. La Bulgarie a fait son deuil d’Andrinople, peut-être même de Kirk-Kilissé. La principale discussion semble porter sur la frontière dans la région de la Maritza. Au reste, ce n’est plus contre la Turquie que se tourne aujourd’hui avec le plus d’amertume la rancune de la Bulgarie, mais contre ses alliés d’hier, et plus particulièrement contre la Grèce. Le sentiment auquel elle obéit est peut-être très humain, mais rien n’est moins politique que de l’exprimer publiquement. C’est pourtant ce qu’a fait le général Savof en arrivant à Constantinople. Il n’a pas caché que la paix actuelle n’était qu’une trêve et que la Bulgarie n’aurait de cesse que lorsqu’elle se serait vengée sur les Grecs de ses dernières défaites. Il est notamment impossible, à l’entendre, que Cavalla reste entre leurs mains. Quelques personnes ont cru qu’il y avait plus de finesse qu’on ne l’avait pensé tout d’abord dans cette intempérance de langage du général Savof et que son intention véritable était de préparer une entente entre la Bulgarie et la Porte contre l’ennemi commun ; mais à supposer que tel ait été le but du général, il est douteux qu’il l’atteigne avec un pareil moyen. Par son agression de la fin du mois de juin, la Bulgarie a formé contre elle la coalition de la Grèce, de la Serbie et de la Roumanie ; par son langage actuel, elle la resserre et la consolide. Quant à la Porte, que fera-t-elle au milieu des divisions des pays balkaniques ? Ira-t-elle du côté bulgare ou du côté opposé ? Qui pourrait le dire ? Probablement elle n’en sait encore rien elle-même ; cela dépendra des circonstances ; elle en jouera adroitement, comme elle l’a toujours fait. En tout cas, il doit lui être assez indifférent que Cavalla appartienne à la Bulgarie ou à la Grèce, après l’avoir perdu elle-même. Ceci dit, nous espérons, à force de le souhaiter, que les négociations de Constantinople auront un dénouement heureux et rapide. Les mots sont des mots, et le général Savof garde seul la responsabilité de ceux qu’il a confiés à tous les vents. Les intérêts immédiats ont quelque chose de plus sérieux : les négociateurs s’en inspireront.

Quant à la Grèce, elle jouit de beaucoup de sympathies en Europe, et particulièrement des nôtres qui sont de très ancienne date et sont devenues une tradition de notre politique : le roi Georges mettait d’ailleurs une bonne grâce parfaite à les entretenir. Elles n’ont pas été dans ces derniers temps les dernières à se produire et nous avons eu quelque mérite dans la manière et dans les conditions où nous les avons exprimées, puisque notre attitude à propos de Cavalla a provoqué un court refroidissement à Saint-Pétersbourg, et, à propos des