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République, il ne voulait voir que des Français et de se montrer en effet accueillant à tous. Tous en ont profité ; on a remarqué, non sans quelque ironie parfois, l’empressement avec lequel les radicaux et les socialistes les plus farouches, qui dénoncent quotidiennement dans son élection une œuvre du Satan réactionnaire, se sont serrés autour de lui, comme s’ils voulaient parer leur propre front de quelques-uns des rayons qui semblaient jaillir du sien. Nous constatons le fait sans nous en plaindre, car il est bon que le Président de la République, n’étant l’homme d’aucun parti, les voie tous accourir à lui ; mais il est permis de s’amuser de certaines démonstrations que rend piquantes leur contraste avec celles de la veille. M. Poincaré a été dans son rôle en les encourageant. Le seul discours politique a été prononcé à Bordeaux par M. le président du Conseil : il était à sa place dans sa bouche. De grands souvenirs, parfois douloureux, se présentaient à sa pensée dans cette capitale de la Gironde où, en de certains momens, le cœur même de la France a battu. M. Barthou y était à l’aise pour parler patriotisme et pour justifier l’œuvre de défense militaire que, en dépit de tant d’autres faiblesses, la Chambre a courageusement accomplie. Le courage des Chambres dépend toujours de celui du gouvernement :. c’est ce que n’ont pas oublié ceux qui ont si chaleureusement applaudi M. Barthou. Quant à M. le Président de la République, il a suivi en silence, discrètement, mais passionnément, les grandes manœuvres qui viennent d’avoir lieu dans le Sud-Ouest : il a pu y recueillir des leçons qui ne seront pas perdues. Et il est rentré à Paris pour recevoir le roi de Grèce.


Nous avons parlé dans notre dernière chronique de l’émotion très vive causée chez nous par la lecture du discours que Constantin XII a prononcé à Berlin. Peut-être le Roi n’a-t-il pas eu toutes les intentions qu’on lui a prêtées et nous aimons à le croire, mais il est regrettable que, transporté subitement au milieu de la pompe militaire de l’armée allemande, en présence de l’Empereur qui lui tendait le bâton de feld-maréchal, sous la séduction d’une parole qui sait être à la fois caressante et impérieuse, il ait oublié d’autres choses dont il aurait dû se souvenir. Son discours a résonné aux oreilles comme un cri du cœur, vif, impétueux, sans nuances, sans souci des répercussions inévitables. C’était peut-être le langage d’un lieutenant reconnaissant : était-ce celui d’un roi ?

L’opinion française, n’ayant pas l’habitude de cacher ses sentimens, les a, elle aussi, exprimés avec vivacité, avec impétuosité et sans