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répu- : notre ministre y assistait avec tout son personnel. Voilà ce qui se passe dans plusieurs parties du monde, et M. Clemenceau s’attache à une vétille, à un drapeau mis en berne ou à un coup de canon tiré le seul vendredi saint ! En Chine en effet, comme dans les pays musulmans, la France est protectrice des catholiques et elle ne saurait sans abdiquer ne pas prendre part à leurs manifestations religieuses. Au surplus, ce n’est pas seulement à la religion catholique que nous donnons, à l’étranger, des marques de déférence. Nos vaisseaux, comme tous les autres, prennent part aux fêtes religieuses des pays dans les eaux desquels ils se trouvent, lorsque ces fêtes ont un caractère officiel. La religion catholique serait-elle la seule exclue de ces manifestations ? Alors il faudrait renoncer à des traditions qui ont créé des intérêts politiques toujours vivans, toujours puissans, toujours précieux et, pour donner satisfaction à M. Clemenceau, sacrifier ime partie importante de notre héritage national. Poussé jusque-là, le respect de prétendus principes devient une ruineuse niaiserie. C’est pourquoi M. Baudin a adressé une circulaire nouvelle aux commandans de nos navires pour les laisser libres, après s’être entendus avec nos consuls, de participer par quelques gestes protocolaires à la fête du Vendredi-Saint. Libre à M. Clemenceau de crier à la réaction et de voir là le commencement d’une vaste intrigue, dont il connaît heureusement tous les fils, et qui a, d’après lui, pour objet, après avoir renoué nos rapports avec Rome, de détruire l’œuvre capitale de la République, de faire un autre Concordat, de revenir sur la séparation libératrice de l’Église et de l’État. Que de choses en une circulaire !

On est surpris qu’un homme qui se croit sans préjugés puisse céder à l’obsession d’une pareille fantasmagorie. La loi, — une loi d’ailleurs bien mal faite ! — a séparé chez nous l’Église de l’État. Elle a décidé que celui-ci ne reconnaissait aucune religion. Chez nous, oui, mais ailleurs, non, et si on peut admettre qu’à une époque de lutte comme celle où nous sommes encore, l’État ne prenne part en France à aucune cérémonie religieuse, il n’en est pas de même à l’étranger. En Orient, l’Église et l’État ne sont pas seulement unis, ils se confondent, et on ne peut rendre hommage à celui-ci sans le rendre à celle-là. Notre abstention, en pareil cas, est considérée comme un manque d’égards, de même que, dans la vie privée, on considère comme un manque d’éducation le fait de ne pas entrer à l’éghse dans certaines circonstances où tout le monde y va. Y a-t-il un libre penseur bien élevé qui hésite à le faire pour un mariage par exemple, ou