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la Turquie aurait-elle affaire à la Grèce seule ? N’y a-t-il pas une entente entre la Serbie et la Grèce ? La Roumanie enfin, à laquelle les derniers événemens ont donné une si haute prépondérance et presque une hégémonie morale dans les Balkans, laisserait-elle mettre en cause l’œuvre d’équilibre qui s’est faite sous son égide ? Ce sont là des questions auxquelles il est difficile de répondre avec certitude, mais qu’on peut soumettre à une sorte de calcul des probabilités.

Probable, oui, certes, il l’est qu’un accord existe entre la Grèce et la Serbie en vue du concours à se prêter mutuellement contre une agression qui, si elle réussissait contre l’une, exposerait l’autre aux coups d’un vainqueur, qui se retournerait alors contre elle avec le moins de risques pour lui. La communauté de l’intérêt établit facilement la solidarité dans l’action. La Grèce ne laisserait pas écraser la Serbie par la Turquie ou par la Bulgarie sans aller à son secours, et la Serbie rendrait éventuellement le même service à la Grèce. Mais on a trouvé un biais, qui a été de faire attaquer la Serbie par l’Albanie. Faire attaquer ou laisser attaquer ? Il est possible que l’agression albanaise ait été encouragée et secrètement soutenue ; il est possible aussi qu’elle ait été spontanée. Nous avons posé la question il y a quinze jours, en avouant l’impossibilité d’y répondre. Quoi qu’il en soit, la Serbie s’est trouvée attaquée et obligée de se défendre d’un côté, ce qui lui aurait rendu plus difficile d’agir de l’autre, s’il y avait eu lieu de le faire. Que serait-il arrivé si elle avait été battue, ou même si elle avait éprouvé de longues difficultés ? Heureusement, la Serbie, comme nous l’avions prévu, n’a pas eu beaucoup de peine, après avoir reconstitué une partie de ses forces qu’elle avait démobilisées, à reprendre les points que les Albanais lui avaient enlevés par surprise et à refouler ceux-ci au delà de leurs frontières. Ils ont même dû occuper, pour se garantir d’une agression nouvelle, quelques points stratégiques sur le territoire albanais, en prenant d’ailleurs soin de déclarer très haut qu’ils n’avaient aucune ambition de conquête, mais seulement un légitime souci de défense, et qu’ils abandonneraient plus tard les points en question. Leur sincérité était si évidente qu’on y a cru et leur droit si certain qu’on ne l’a pas contesté.

Pendant que ces incidens se déroulaient, M. Pachitch, l’homme d’État le plus estimé de la Serbie, est allé à Vienne ; il y a vu le comte Bernstorf et la conversation qui a eu lieu entre eux paraît avoir dissipé quelques préventions. Puisse-t-il en être ainsi ! La situation de l’Orient s’améliorerait comme par un coup de baguette magique, le jour où