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conquêtes ? C’est précisément parce que l’Europe n’a pas voulu se mêler de ce qui ne la regardait pas et qu’elle a laissé les États balkaniques s’arranger entre eux comme ils l’entendaient, que tout cela €st arrivé, et que la tragédie et la comédie se sont si étrangement, si bizarrement mêlées sur le théâtre balkanique, si douloureusement aussi. L’Europe, comme ses critiques le lui enjoignaient d’ailleurs, s’est beaucoup abstenue dans les Balkans et, partout où elle s’est abstenue, les guerres, les massacres, les horreurs, les perfidies se sont accumulés : ailleurs, la paix générale a été maintenue. Le sera-t-elle toujours ? C’est une autre affaire, et nous ne nous risquerons pas à en répondre. On sait que l’Albanie ne nous dit rien qui vaille, et nous serions fort surpris si deux grands États européens ne s’y disputaient pas quelque jour. Ils s’apercevront peut-être alors qu’ils ont eu tort d’exaspérer contre eux les Serbes et les Grecs. Mais c’est l’avenir et, €omme l’a avoué modestement sir Edward. Grey, la Conférence des ambassadeurs n’a prétendu sauver que le présent. L’avenir est réservé. On a dit que le temps était galant homme et qu’il arrangeait bien des choses. Nous serions charmés de le croire et encore plus de le voir. En attendant, l’inquiétude du jour, — puisque chaque jour a la sienne, — est du côté de la Grèce. La Porte proteste de l’innocence de ses intentions et peut-être est-elle sincère ; mais comme, si elle ne l’était pas, son langage serait le même, ce langage à lui seul ne saurait faire naître aucune sécurité. Aussi le roi Constantin a-t-il abrégé la fin de son voyage en Europe et s’est-il empressé de gagner ses États. Ce qui nous donne le plus à espérer que la Porte se tiendra tranquille, c’est qu’elle n’ignore pas qu’à l’occasion les Grecs ne feraient pas comme les Bulgares : ils se défendraient, et la lutte serait d’autant plus sérieuse que la Serbie, débarrassée de l’agression albanaise, y prendrait sans doute part. Enfin les Turcs ont négocié un emprunt à Paris, ils attendent de l’argent de nous : nous le leur donnerons quand ils auront signé la paix avec la Grèce et démobilisé. Malgré cela, l’horizon reste trouble et une seule chose semble certaine, c’est que la série déjà longue des surprises sanglantes n’est pas encore terminée dans les Balkans.


Nous n’avons pas parlé depuis longtemps de la Chine, parce que nous ne voyions pas très clair dans les événemens qui s’y succédaient : l’élection de Yuan Chi Kaï à la présidence de la République nous oblige à en dire un mot aujourd’hui, bien que la clarté n’y soit pas beaucoup plus grande qu’hier. Cette élection était attendue, escomptée,