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forme d’un défilé repentant devant le consulat japonais. Le gouvernement chinois a consenti à tout ; il a fait tout ce qu’on a voulu ; le Japon n’a plus eu de prétexte à intervenir. Mais n’en trouvera-t-il pas d’autre ? Il est très loin de se désintéresser de ce qui se passe en Chine et a tout l’air d’être résolu à s’y intéresser toujours davantage. Yuan Chi Kaï aura besoin de toutes ses capacités politiques, et sans doute militaires, pour maintenir l’unité et l’indépendance de l’Empire devenu République. Y réussira-t-il ?

Nos lecteurs n’ont pas oublié les articles pessimistes que nous a donnés naguère le général de Négrier sur la Chine, son présent, son avenir. Le général de Négrier n’est plus ; nous avons eu le regret de perdre ce collaborateur perspicace, habitué à tout voir, résolu à tout dire ; on sait qu’il a été emporté durant une croisière qu’il faisait dans les mers du Nord. Nous ne l’avons plus là pour nous parler des impressions qu’il avait rapportées de Chine, mais on sait qu’à ses yeux ce qu’on appelle « le péril jaune » n’existait pas. Il n’existait du moins que pour les Jaunes eux-mêmes. A l’entendre, le soldat chinois était radicalement mauvais et la matière première manquait en Chine pour y faire une véritable armée. S’il en est ainsi, nous plaignons Yuan Chi Kaï : il sera à deux de jeu avec les insurgés de l’intérieur, mais non pas avec les ennemis du dehors. La fortune l’a favorisé jusqu’ici avec une constance qu’elle ne témoigne qu’à ceux qui savent s’aider eux-mêmes. Il a certainement beaucoup d’intelligence, une absence complète de scrupules, une extrême énergie. Nous souhaitons que son pays profite de ses qualités et ne soit pas desservi par ses défauts.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.