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Nous n’entrerons pas aujourd’hui dans le détail des propositions faites par la Commission, ou par M. Touron, ou même par M. Ribot pour augmenter ou transformer quelques-uns de nos impôts directs et en obtenir un rendement plus élevé, qui diminuerait le déficit sans le supprimer. Bon gré mal gré, il faudra recourir, dans une proportion plus ou moins grande, aux impôts indirects et M. Caillaux s’y résigne lui-même. Mais compte-t-il vraiment sur sa grande réforme, si elle est faite dans son ensemble, pour lui donner 300 ou 350 millions dont il a besoin tout de suite ? Il l’assure. Malheureusement, parmi les choses nombreuses qu’il a dites et qu’il a oubliées depuis, il en est une qu’il a écrite officiellement au président de la Commission du budget et qu’il a lue solennellement à la Chambre : c’est que l’impôt sur le revenu ne pourra pas être voté avant 1915 et qu’il faudra encore un an ou deux avant de le mettre en application. M. Ribot le lui a rappelé. Alors M. Caillaux, ne sachant plus très bien où il en était, a parlé d’incorporer l’impôt sur le revenu dans le budget. M. Ribot a pris la peine de relever cette vaine menace, au nom de la dignité du Sénat offensée, — et la discussion en est là. L’autorité du gouvernement et le prestige personnel de M. le ministre des Finances n’en ont pas été augmentés.

Du Sénat, passons à la Chambre. La discussion du budget y est coupée de temps en temps par celle d’une interpellation sur l’état sanitaire de l’armée. Cet état n’est pas bon, on ne saurait le dissimuler ; mais est-il aussi mauvais que le disent les socialistes et bon nombre de radicaux, qui s’appliquent à le représenter comme encore plus grave qu’il ne l’est, afin d’en rejeter la responsabilité sur la loi de trois ans ? Ce n’est pas seulement dans l’armée que l’hiver, en janvier, a sévi plus rudement qu’à l’ordinaire. En outre, il y a eu des épidémies dont personne n’est responsable. Malgré cela, il ne semble pas que le mal soit aussi grand qu’on l’a dit, et, sans remonter bien haut, on trouve plusieurs années où le nombre des maladies et des décès a été aussi élevé qu’aujourd’hui. Mais, pour les socialistes, tout est prétexte à attaquer la loi militaire, le gouvernement qui l’a préparée, l’administration qui l’a mise en œuvre et appliquée. Ils ont donc présenté à la Chambre le tableau le plus sombre des souffrances de l’armée. Après une première journée de discussion, M. Joseph Reinach a demandé que la suite en fût remise à la plus prochaine séance : il ne semblait pas, en effet, qu’un débat de ce genre pût être interrompu. Après avoir ému le pays en lui exagérant le mal, il convenait de le rassurer en lui disant la vérité, toute la vérité, mais rien que la vérité.