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jestueuse comme les déserts d’Égypte et de Syrie, couverte de la même végétation que les sables du Nil ou du Sahara[1], » des familles de pêcheurs vivent depuis des temps sans nombre, sous des tentes resplendissantes de blancheur, dans la simplicité la plus pure.

Mais voici un chaos de pierres grises, calcinées, dépourvues de végétation : la montagne d’Agde, autrefois volcan insulaire, dont les coulées de lave, qui se produisaient encore à l’époque des Volces Arécomiques, se sont épanchées dans toutes les directions ; l’une d’elles forme le cap et, se continuant sous les flots, reparaît par le récif de Brescou, qu’occupe la ruine intacte d’un fort. Vers Brescou, s’avance un môle noir, que les gens du pays appellent « le bras de Richelieu. » Par la lande sablonneuse, qu’éclaire timidement l’étang morne de Luno, le chemin conduit à des vignes, grimpe sur des roches incultes, dégringole enfin vers l’Hérault qui, au moment de baigner Agde, s’étale en une nappe de grand fleuve indolent. « Agde, ville noire habitée par des brigands. » Ville noire, parce qu’elle fut bâtie avec la lave de son volcan. Des brigands, pourquoi ? Les Phocéens établirent là, comme à Marseille, un comptoir. Mais la mer s’est retirée à plus de 4 kilomètres. La ville connut la puissance au moyen âge, sous l’autorité d’un évêque dont l’église-forteresse très haut, et menaçant au-dessus du fleuve, domine, de son admirable carrure de briques rouges, les lagunes, la mer, les coteaux, les plaines, où se perd le regard. Ici, la race est encore plus belle qu’à Cette, et à cause de ses costumes pieusement conservés depuis l’origine de la ville, plus pittoresque que dans Arles même. Par les rues sinueuses, vous rencontrerez à chaque instant la Phocéenne au visage ovale, aux fortes lèvres, au large front qu’illuminent des yeux noirs. Elle porte la jupe ample et courte, le gracieux châle de couleur qui abrite ses épaules rondes. Elle arrange sa chevelure en bandeaux plats qui sur les tempes se fixent en « escargots, » tout contre les oreilles ornées de boucles d’or très apparentes. Un peu au-dessus de la nuque, une touffe abondante de cheveux est retenue par un foulard de la même couleur coquette que le châle, et que piquent des épingles d’or.

Dans les villages voisins, à Florensac, Pomérols, Marseilhan,

  1. Frédéric Fabrège.