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marche, nous saurons atteindre l’heure favorable où le concours de nos alliés, devenu pleinement efficace, nous serci enfin acquis. Alors, nous serons près du but que nous nous sommes proposé en commun. Dans cette seconde période de la guerre où nous sommes, la France rendra plus en grand à la cause du droit, de la civilisation, de l’indépendance des nations, le même service que lui a rendu l’héroïque Belgique dans la première. Que serait-il arrivé, si la Belgique, après avoir protesté contre la violation de son territoire, sentant l’insuffisance de ses forces, avait laissé aux seules puissances garantes de sa neutralité le soin de la défendre ? Elle s’est défendue elle-même, et sa résistance a fait gagner à l’Angleterre et à nous une dizaine de jours qui ont été bien employés : c’est grâce à elle que nous pouvons opposer aujourd’hui à l’invasion allemande une digue qui faiblira peut-être sur certains points, mais qui, dans l’ensemble, sera assez solide pour donner à la Russie le temps de développer à son tour tout son effort. Nous y parviendrons en mêlant à propos la défensive et l’offensive jusqu’au jour où, toutes les forces de la coalition européenne étant réunies, nous passerons enfin de la première à la seconde avec toutes les chances de succès. En attendant, nous avons besoin de concentrer toutes nos forces sur le terrain de combat que l’Allemagne a elle-même choisi pour y concentrer les siennes. La manœuvre allemande, qui s’est dessinée dès le premier moment, a pris aujourd’hui un tel relief et frappe par une telle évidence que tout le monde s’en rend compte. Elle a consisté, elle consiste encore à enfoncer et à tourner notre aile gauche par un mouvement opéré sur une immense échelle et par une action qui, poursuivie sur toute la ligne de front, a eu un caractère défensif sur la partie orientale et centrale de cette ligne, et nettement fortement, formidablement agressif à son extrémité occidentale. L’état-major allemand avait fort bien marqué l’endroit où il entendait porter son effort principal. Avons-nous fait de même ? À cette attaque que nous avons vue se préparer pendant plusieurs jours, avons-nous à notre tour préparé et opposé une parade suffisante ? Ce n’est pas le moment de le rechercher. Quoi qu’il en soit, après la grande bataille qui vient d’être livrée et qui n’a pas répondu à notre espérance, le besoin de la concentration au point décisif s’est imposé à nous. Nous avons dû abandonner l’Alsace et reporter sur notre aile gauche la majeure partie de nos forces. Suivant toutes les apparences, la guerre s’y prolongera quelque temps ; puis elle prendra une forme nouvelle à mesure que les Russes avanceront vers Berlin. L’Allemagne, qui a pu jusqu’ici réunir toutes ses forces contre nous,