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de grandes difficultés. Bismarck s’exprime avec beaucoup de reconnaissance au sujet de la lettre de Léopold et me prie de montrer dans ma réponse quelle garantie la Belgique gagne à une forte Allemagne, dont elle n’a rien à craindre, ni de la France non plus, aussi longtemps que l’Allemagne sera forte. » Les événemens récens donnent à cette déclaration une forme vraiment ironique, puisque la forte Allemagne, la consciencieuse Allemagne, n’a pas hésité à violer le territoire belge.

Léopold Ier avait dit avec raison : « La Belgique est le pays le plus exposé de la terre, » et pour dire cela, il n’avait eu qu’à citer les leçons du passé qui ont montré que son royaume avait été et serait peut-être encore « le champ clos des nations. » Nul en effet n’a oublié les campagnes de Louis XIV et de Louis XV, les noms célèbres de Senef, Fleurus, Steinkerque, Neerwinde, Ramillies et Oudenarde, Fontenoy, Raucoux et Lawfeld, non plus que les célèbres campagnes de 1792 à 1795, et les noms non moins glorieux de Valmy, Jemmapes, Anderlecht, Ruremonde, Furnes, Bruges, Tirlemont, Namur, Hondschoote, Wattignies, Mouscron, Thuin, Erquelines, Charleroi, Fleurus, Landrecies, ainsi que les batailles de l’Ourthe et de la Roër et les exploits des armées de Sambre-et-Meuse.

En 1814, ce sont les coalisés qui pénètrent sur la Sambre et descendent jusqu’à Soissons. En 1815, les Français se rassemblent de Beaufort à Florennes, de Beaumont à Valcourt, tandis que les Anglais se placent entre Mons, Henappe et Bruxelles, et les Prussiens de Thuin à Huy et Namur. La victoire de Ligny semble pour nous la promesse d’un triomphe final sur les alliés, mais l’arrivée inopinée des Prussiens à Waterloo et l’immobilité de Grouchy amènent un désastre qui, — par un caprice surprenant de l’histoire, — va peut-être bientôt dans les mêmes lieux accabler les Allemands aux prises cette fois avec les Anglais alliés aux Français.

Depuis longtemps les Belges étaient informés des dispositions de leurs voisins d’Allemagne, qui avaient fait de Bruxelles et d’Anvers un grand centre d’espionnage. De ces villes partait journellement une nuée d’espions qui parcouraient la Belgique et le nord de la France et rapportaient les renseignemens les plus précieux au grand État-Major allemand sur les ressources