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Tunisie, en Algérie, au Maroc : aucun de ces rêves ne s’est encore réalisé et le moment est passé où on pouvait en éprouver des inquiétudes. L’Egypte a eu tout le temps de se mettre en état de défense et l’armée ottomane dont la formation a été annoncée en Syrie aurait tort de se jeter sur elle par la frontière où à lui est le plus facile de se défendre. Quant à nos possessions ou protectorats du Nord de l’Afrique, leur tranquillité n’a pas été troublée un seul instant. Tunisiens, Algériens, Marocains sont venus vaillamment combattre pour cette France qu’on leur avait dépeinte comme un tyran oppresseur. En ce qui concerne le Maroc, cela prouve l’excellence de la politique qui y a été suivie. Le général Lyautey n’a certainement pas vu sans regrets la guerre s’engager sur notre frontière sans qu’il y fût. « Pends-toi, brave Crillon, » écrivait Henri IV à un de ses com- pagnons qui avait éprouvé la même déconvenue ; on s’était battu, on avait vaincu sans lui, comment s’en serait-il consolé ? Mais pendant ce temps-là, Crillon n’avait eu rien à faire, tandis que le général Lyautey a maintenu le Maroc dans l’ordre, a continué d’y faire briller le prestige de la France et l’a purgé de tous les Allemands qui, forts de l’appui de leur pays, y intriguaient et conspiraient contre nous, en attendant le jour où ils y prendraient notre place. C’est un grand service que le général Lyautey a continué de rendre. Mais le principal péril, au Maroc, n’était pas dans la guerre sainte proclamée à Constantinople dont Tanger et Fez sont très indépendans religieusement comme politiquement. Dans tout le Nord de l’Afrique, l’influence ottomane s’est trouvée périmée lorsqu’on y a fait appel, et c’est à peine s’il y a eu quelques manifestations, peu importantes d’ailleurs, dans ce Sud de la Tripolitaine où l’établissement italien, bien qu’il soit de date récente, n’a couru, lui non plus, aucun danger. Ce qui restait encore de la force islamique, appuyée sur ce fanatisme religieux qui a fait autrefois des miracles, a été frappé d’impuissance par les scandales de la Jeune-Turquie. Les bruits qui viennent d’Orient sonnent de plus en plus nettement le glas funèbre de l’Empire Ottoman.

Sur l’Autriche-Hongrie, les victoires russes ne sont pas encore aussi décisives, mais elles le deviennent chaque jour davantage par suite de succès qui suivent une marche régulière et se renouvellent constamment. On est même un peu surpris que les opérations militaires puissent se poursuivre en plein hiver sur les Carpathes, comme il semble bien qu’elles le font. L’armée russe s’empare des défilés des montagnes qui sont les portes de la Hongrie et d’ici à peu, elle pourra sans doute les franchir. Alors qu’arrivera-t-il ? Les nouvelles